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Photo du rédacteurLes Pénalistes en Herbe

De nouveaux liens entre le droit pénal et le droit de la famille, au service de la protection des victimes de violences intrafamiliales




« Près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences  intrafamiliales sévissent. Dans 21,5 % des cas, ils en sont directement victimes, dans tous les  cas, ils en sont témoins. » ce constat est posé par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et  les hommes {1}


C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale  le 15 décembre 2022 {2} par Mme Isabelle Santiago (qui a été nommée rapporteuse), proposition  visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences  intrafamiliales. L’exposé des motifs expriment clairement les objectifs de cette loi tant d’un  point de vue juridique que d’un point de vue sociologique. En effet, les parlementaires  expliquent que les témoignages expriment que les violences subies par les enfants ou leur  « simple » exposition créent « des souffrances physiques et psycho-traumatiques extrêmes et  durables » et que « Le temps de l’enfant, n’est pas le temps de l’adulte, il y a urgence à  protéger les milliers de mineurs victimes d’incestes et de violences sexuelles en France ! » 


Cette loi se trouve donc dans la continuité des réformes successives en la matière,  démontrant l’importance de la lutte contre les violences intrafamiliales. En effet, avant celle-ci  il y a eu la loi du 28 décembre 2019 (n°2019-1480) visant à agir contre les violences au sein de  la famille ; la loi du 30 juillet 2020 (n°2020-936) visant à protéger les victimes de violences  conjugales ; et la loi du 28 février 2023 (n°2023-140) qui a instauré une aide universelle  d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Ces lois ont permis la suspension de plein  droit de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour un  crime envers l’autre parent, et, la possibilité de retrait de l’autorité parentale du parent condamné pour un délit, et plus seulement pour un crime, commis sur son enfant ou sur l’autre  parent. 


La loi a été promulguée le 18 mars 2024. Le texte définitif « instaure un principe du  retrait de l’autorité parentale en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur  la personne de son enfant ou de crime commis sur la personne de l’autre parent, et étend la  suspension de droit de l’exercice de l’autorité parentale pour la durée de la procédure pénale. » {3}.  Elle s’inscrit dans un mouvement qui tend mêler le droit pénal au droit de la famille {4}. C’est  ainsi que les nouveautés de cette loi mettent en lien la commission d’infractions avec l’autorité  parentale dont est titulaire le parent condamné ou poursuivi. 


En effet, l’autorité parentale est définie à l’article 371-1 du code civil comme « un  ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux  parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa  santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement,  dans le respect dû à sa personne. » En droit de la famille, concernant l’autorité parentale, il est  une distinction importante entre les titulaires de l’autorité parentale, c’est-à-dire les personne ayant la qualité pour exercer l’autorité parentale, et cet exercice c’est-à-dire les prérogatives  liées à cette autorité.


C’est la raison pour laquelle lorsque selon l’article 373-2-1 du même code,  l’exercice est confié qu’à un seul parent, l’autre est certes privé de l’exerce de l’autorité  parentale mais en reste titulaire (bénéficiant donc de prérogatives importantes et du droit  d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant).  


« Tant l’exercice de l’autorité parentale que sa titularité peuvent être retirés par  le juge répressif. L’article 228-1 du code pénal, créé par la loi du 18 mars 2024, indique  dans quels cadres ces sanctions peuvent être prononcées. À ce titre, il reprend des cas qui  étaient déjà en vigueur, tout en incluant ceux qui résultent de la loi nouvelle. » {5} 


La qualité de titulaire de l’autorité parentale retirée. 


Nouvelle loi  relative aux violences intrafamiliales : l’union du droit civil et du droit pénal.


La loi rend en effet systématique le retrait de l’autorité parentale par les juridictions en cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un  crime ou d’une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant, la  juridiction pénale ordonne le retrait total de l’autorité parentale (article 378 du code civil) ; ou  en cas de crime commis sur la personne de l’autre parent. C’est une préconisation qu’avait fait  le CIIVISE {6} qui est ici reprise. 


Le juge qui ne prononce pas le retrait total de l'autorité parentale devra spécialement  motiver sa décision et ordonner le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice  de l’autorité parentale, sauf encore décision contraire spécialement motivée. 


La suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale. 


L’ordonnance de protection, des articles 515-9 et suivants du code civil, délivrée par  le juge aux affaires familiales ne suffit pas toujours durant le temps de la procédure. En effet, selon une enquête de 2019, 72,6% des mères d’enfants mineurs obtenant une ordonnance de  protection ont été contraintes d’exercer leur autorité parentale avec le conjoint qui faisait l’objet  de cette ordonnance. 


C'est la raison pour laquelle, la loi a réécrit l’article 378-2 du code civil élargit la  suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale, au parent poursuivi ou mis en examen pour agression sexuelle ou viol incestueux ou pour tout autre crime commis sur son  enfant. Cette suspension vaudra jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu'à la  décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu’à la décision de la juridiction pénale. 


« Le régime de la mesure a aussi été réformé. Ainsi, la simple notion de « parent pour suivi » a été précisée : il peut tant s’agir de poursuite par le ministère public que de mise en  examen par le juge d’instruction. En dépit de cette reformulation, le texte demeure assez vague  au regard de l’étendue des modalités de poursuites. » {7} 


Par ailleurs, et c’est la principale modification du régime de cette suspension de l’exer cice : la suppression de la durée maximale de six mois. En effet, la suspension dure désormais jusqu’à la fin de l’instance, résultant d’une ordonnance de non-lieu ou d’une décision de la  juridiction de jugement.  


Les autres dispositions de protection pour les victimes de violences  intrafamiliales. 


La loi du 18 mars 2024 a par ailleurs procédé à la : 


- Création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité  parentale. C’est un mécanisme de protection judiciaire d’un mineur, permettant à un  tiers de demander au juge le transfert de l’autorité parentale (article 377 du code civil).  Il s'agit de permettre à la personne ou au service d'aide sociale à l'enfance qui a recueilli  l’enfant, lorsque l’autre parent n'a plus l’autorité parentale, ou qu’il est décédé, ou en  l'absence de filiation à son égard, de prendre toutes les décisions nécessaires à  l’organisation de la vie de l'enfant, sans avoir à obtenir l’autorisation du parent poursuivi  ou condamné. 


- La suspension des droits de visites et d’hébergement selon les  conditions de l’article 378-2 du code civil (c’est-à-dire les conditions de la suspension  de l’exercice de l’autorité parentale). 


- La possible dispense du parent bénéficiaire d’une ordonnance de  protection de dissimuler son domicile dans le cadre de cette ordonnance (article 515- 11, 6°, bis du code civil) d’avoir à signaler son changement de résidence à l’autre parent  (article 373-2 du même code).



Thomas HERMAND

Attaché d’enseignements en droit privé (Université de  Rouen et ICP campus Rouen)


 


{1} Rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes sur la politique de lutte contre les violences conjugales. Année 2019. 

{3} Dalloz actualité du 28 mars 2024, Théo Scherer, Maître de conférences à l’Université de Caen Normandie, Nouvelle loi  relative aux violences intrafamiliales : l’union du droit civil et du droit pénal. 

{4} La dualité des mesures civiles et pénales dans la lutte contre les violences intrafamiliales : entre symphonie et dissonances,  AJ pénal 2024. 68 

{5} Dalloz actualité du 28 mars 2024, Théo Scherer, Maître de conférences à l’Université de Caen Normandie,

{6} Rapport de novembre 2023 de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

{7} Dalloz actualité du 28 mars 2024, Théo Scherer, Maître de conférences à l’Université de Caen Normandie, Nouvelle loi  relative aux violences intrafamiliales : l’union du droit civil et du droit pénal.

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