Cet éclairage a été publié pour la première fois par Mathilde AMBROSI, en janvier 2020, dans La Revue n°6.
Le droit pénal étant propre à chaque Etat, des interrogations peuvent être soulevées quant à l’application de la loi pénale dans l’espace. La question est alors de savoir quelle juridiction, mais aussi quelle loi s’appliquent pour les infractions, selon le territoire dans lequel elles ont été commises. À cet égard, il convient de garder en tête le principe de solidarité des compétences juridictionnelles et législatives, qui a pour conséquence le fait que l’application de la loi d’n pays déterminera automatiquement la compétence juridictionnelle dudit pays. De plus, cette étude doit être menée en gardant à l’esprit le principe Non bis in idem, selon lequel une personne déjà jugée définitivement pour des faits délictueux ne peut se voir poursuivie pour les mêmes faits. En ce qui concerne l’application de la loi pénale dans l’espace, il convient de distinguer quatre systèmes différents. De nombreuses nuances et exceptions existent, et ne sont pas toutes mentionnées dans cette explication, qui a vocation de synthèse.
Le système de territorialité - Le système de territorialité s’applique pour les infractions commises en France (article 113-2 du Code pénal). Ainsi, la loi pénale française est applicable aux infractions commises en France, et conséquemment, les juridictions françaises sont aussi compétentes. On dit d’une infraction qu’elle est commise en France lorsque l’un de ses faits constitutifs au moins a pris place sur le territoire français, c'est-à-dire qu’un élément matériel contribuant à la réalisation de l’infraction au moins a été commis en France. Cette notion englobe les terres émergées sur lesquelles s’applique la souveraineté française, la mer territoriale (une zone de 12 milles nautiques, l’espace aérien français, c'est-à-dire la colonne d’air qui surplombe à la fois le territoire terrestre et maritime. Il suffit qu’un fait constitutif de l’infraction ait eu lieu sur le territoire français pour que l’on considère l’infraction comme ayant été commise sur le territoire français (article 113-2 du Code pénal). En ce qui concerne la complicité, la loi française est applicable si l’acte de complicité est commis à l’étranger mais se rattache à l’infraction commises en France (les juridictions françaises seront alors compétentes pour l’auteur de l’infraction et pour le complice) ; mais aussi si l’acte de complicité se déroule sur le territoire français, et l’infraction principale à l’étranger, s’il y a une réciprocité d’incrimination et si l'infraction principale a été constatée par la juridiction étrangère (article 113-5 du Code pénal).
Le système de la compétence personnelle - Le système de la compétence personnelle s’applique pour les infractions se produisant à l’étranger, qu’elles soient subies ou commises par un ressortissant français. On emploie le système de la personnalité active lorsqu’une infraction est commise à l’étranger par un ressortissant français. (article 113-6 du Code pénal). Tous les crimes commis à l’étranger par un ressortissant français relève de la compétence juridictionnelle et législative française. Il en va de même pour les délits s’il y a réciprocité d’incrimination. Les contraventions, par contre, sont laissées à la compétence étrangère. Le système dit de la personnalité passive s’applique pour les infractions commises à l’étranger contre un français. La compétence sera française pour tous les crimes et les délits punis d’emprisonnement par la loi française. La victime doit être de nationalité française au moment de l’infraction, tandis que la nationalité de l’auteur est indifférente.
Le système de la compétence réelle - Ce système concerne les infractions commises contre les intérêts fondamentaux français (article 410-1 et suivants du Code pénal). Cela désigne la falsification ou la contrefaçon du sceau de l’Etat, d’argent, d’effets publics, mais aussi les infractions contre les agents ou locaux diplomatiques ou consulaires. Dans ces cas, la loi française sera applicable même si l’infraction a été commise à l’étranger par une personne étrangère.
Le système de la compétence universelle - Ce système implique que la juridiction et la loi compétente soient celles du lieu d’arrestation du prévenu, sans tenir compte de la nationalité de l’auteur, de celle de la victime ou du lieu de commission de l’infraction. On applique le système de la compétence universelle lorsque l’on estime qu’une atteinte a été portée aux intérêts de la communauté internationale, ce qui englobe notamment les cas de violations de conventions internationales de protection de la personne humaine, lesquelles sont précisées à l’article 689-1 et suivants du Code de procédure pénale.
Mathilde AMBROSI
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