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Photo du rédacteurLes Pénalistes en Herbe

La complicité

Cet éclairage a été publié pour la première fois par Eva BAROUK, en décembre 2018, dans La Revue n°3.


La complicité est incriminée à l’article 121-7 du Code pénal :

« Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »


La complicité correspond au fait de s’associer à la commission d’une infraction, elle-même imputable à un auteur principal. Il ne faut pas confondre complice et coauteur : en effet, si le coauteur commet les mêmes actes matériels que l’auteur principal, le complice adopte un comportement distinct et bien propre. Une affaire récente illustre ce mode de participation criminelle : celle d’Abdelkader Merah, frère de Mohamed Merah. Condamné pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, il est également acquitté, le jeudi 2 novembre 2017, au titre de la complicité d’assassinat. En effet, le procès a révélé un manque de preuves concernant ce chef d’accusation. Si certaines personnes ont pu en être indignées du fait de la gravité des faits commis par Mohamed Merah, il convient de préciser que la complicité a des caractéristiques très précises : les actes commis, pour relever de la complicité, se doivent de réunir toutes ces caractéristiques… Ce qui n’a pas été le cas pour Abdelkader Merah.


Pour que la complicité soit retenue, il faut d’abord une infraction principale punissable. Il serait invraisemblable de condamner une personne pour complicité d’un acte qui n’est pas une infraction ! Cependant, il est possible de punir le complice d’une infraction, quand bien même l’auteur principal de l’infraction ne serait pas puni (en fuite, inconnu, décédé, amnistié…).


Une question s’est posée concernant le fait principal punissable, dans le cas bien précis où une personne en paie une autre pour commettre une infraction (un tueur à gage par exemple), mais que cette dernière personne renonce finalement à se mettre à exécution. Si le fait de payer autrui pour commettre une infraction relève de la complicité (« personne qui, par don, aura donné des instructions » pour commettre l’infraction), il n’y a là pas d’infraction principale punissable, étant donné qu’aucune infraction n’a finalement été commise. Il y avait donc une impasse, car la personne ayant ordonné à l’autre de commettre l’infraction ne pouvait être punie, or son comportement était fortement répréhensible. La loi a donc apporté de nouveaux éléments afin de ne pas laisser ce genre de comportement impuni, en incriminant des comportements de provocation non suivis d’effet. Dans le cadre de notre exemple, c’est la loi du 9 mars 2004 qui est venue créer l’infraction du « mandat criminel » (article 221-5-1 du Code pénal).


L’acte de complicité doit également relever plusieurs critères :

  • Il doit être positif. De fait, une abstention ne pourrait pas caractériser la complicité. Or ici encore, des infractions autonomes ont pu être créées afin de pallier ce principe qui pourrait mener à des injustices flagrantes. Il en est ainsi par exemple des abstentions qui ont facilité la commission d’une infraction, en ne s’y opposant pas (omission de porter secours, article 223-6 du Code pénal), ou encore des négligences conscientes (manquements aux devoirs légaux inhérents à une fonction ou à une profession, qui ont favorisé la commission d’une infraction).

  • Il doit être causal. L’acte de complicité doit avoir facilité ou provoqué l’infraction ; de fait, la tentative de complicité n’est pas punie. Par exemple, une personne qui donne un renseignement pour faciliter la commission d’une infraction, ne sera pas puni comme complice si ce renseignement n’a pas été assez précis et n’a pas réellement aidé l’auteur principal.

  • Il doit être antérieur ou concomitant à l’infraction principale. En effet, il doit intervenir avant la commission de l’infraction ou pendant celle-ci, mais ne sera pas considéré comme un acte de complicité s’il intervient après (sauf à avoir été planifié avant, mais réalisé ensuite, comme par exemple un complice qui aiderait les auteurs à s’enfuir après la commission de l’infraction).

Si ces critères sont réunis, encore faut-il que l’acte corresponde à une des hypothèses de complicité énoncées par l’article 121-7 du Code pénal cité plus haut :

  • La complicité par provocation. Ici, le complice provoque l’acte principal commis par l’auteur par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir. La provocation doit être directe : elle doit être personnelle (exercée sur une personne précise) et en rapport avec une infraction précise qui sera effectivement commise (ou du moins, tentée).

  • La complicité par fourniture d’instructions. Le complice donne des indications à l’auteur en vue de la commission de l’infraction ; pour être considéré comme complice à ce titre, il faut que l’information soit suffisamment précise et ait été utilisable par l’auteur de l’infraction.

  • La complicité par aide ou assistance. Ce cas est très large : l’aide peut être matérielle (dissimulation de l’infraction par exemple) mais aussi morale (encouragement à l’infraction).

Pour finir, il faut souligner que la complicité est un mode de participation intentionnel, comme l’indique le mot « sciemment » dans le texte. Il faut avoir favorisé l’infraction en connaissance de cause, celui qui le fera sans s’en rendre compte ne sera pas considéré comme complice de cette infraction.


En revanche, si l’acte principal commis est différent de celui qui était prévu entre l’auteur et le complice, il ne pourra y avoir complicité. De fait, un complice prêtant son arme à un auteur principal aux fins d’intimider les victimes d’un « hold-up » ne pourra pas être condamné comme complice dans le cas où l’auteur principal, en plus du hold-up, aurait commis un homicide. L’intérêt protégé par l’infraction projetée (le hold-up) est la propriété, tandis que celui protégé par l’infraction finalement commise (l’homicide) est la vie. Dans cet exemple, la personne ayant prêté l’arme sera donc complice du hold-up, mais pas de l’homicide.


Le complice est puni comme auteur (article 121-6 du Code pénal), et non, comme il était établi auparavant, comme l’auteur. De fait, s’il encoure abstraitement les mêmes sanctions que l’auteur principal, il ne sera pas pour autant toujours effectivement puni comme ce dernier. L’auteur principal pourrait bénéficier d’une immunité ou encore d’une cause d’atténuation de la peine ; pour autant, le complice n’en bénéficiera pas, et inversement.


La complicité est donc un mode de participation incriminé de façon efficace pour punir les personnes intervenant avec différents degrés d’intensité dans la commission d’une infraction. Quand bien même le texte est large et permet d’englober de nombreux cas, les caractères de la complicité demeurent nombreux afin de garantir un juste usage de cette incrimination et l’assurance d’une implication réelle du complice dans la commission de l’infraction.



Eva BAROUK

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