Depuis la loi n°2021-218 du 26 février 2021 ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) reprend la législation applicable aux mineurs auteurs d’infractions. Ce code est entré en vigueur le 30 septembre 2021 et se substitue à l’ordonnance du 2 février 1945. Il ne sera pas question, dans le présent focus, de traiter de la législation en vigueur sous l’empire de cette dernière ordonnance, aujourd’hui abrogée.
Néanmoins, si les normes fondamentales en matière de justice pénale des mineurs sont nombreuses et ont récemment évolué, il n’en demeure pas moins que la décision n°2002-461 DC du Conseil constitutionnel du 29 août 2002 a posé un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ce PFRLR concerne tant « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge » que « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » ; d’où la nécessité d’avoir un cadre juridique spécifique.
Pour plus d’informations sur le droit pénal des mineurs, vous pouvez aller consulter nos autres contenus publiés à ce sujet ainsi que La Revue n°11, publiée en août 2022.
Sous l’empire du Code pénal du 6 octobre 1791 puis sous l’empire du Code pénal de 1810, l’âge de la majorité pénale était fixé à 16 ans. Il a fallu attendre la loi du 12 avril 1906 pour que l’âge de la majorité pénale soit fixé à 18 ans. Depuis la loi du 5 juillet 1974, abaissant l’âge de la majorité civile de 21 ans à 18 ans, les âges de la majorité pénale et de la majorité civile sont alignés à 18 ans. A partir de cet âge, l’auteur d’une infraction relève du droit pénal commun.
Par principe, doit être pris en compte l’âge de l’auteur au moment de la commission des faits et non pas son âge au moment de l’ouverture de la procédure pénale ni au moment de l’audience de jugement. Ainsi, il arrive que des majeurs soient jugés pour des faits qu’ils ont commis lorsqu’ils étaient mineurs en application des règles régissant le droit pénal des mineurs.
En tout cas, le mineur auteur n’est pas uniquement considéré comme une personne à sanctionner : il est également considéré comme un citoyen en devenir. Pour cette raison, le juge va ordonner des mesures qui présentent un juste équilibre entre éducation et sanction.
Se poseront alors plusieurs questions successives : Le mineur est-il pénalement responsable ? Comment doit-il être jugé ? Peut-il se voir appliquer une peine ?
En cas pratique, il convient de distinguer deux questions : l’aptitude du mineur à la responsabilité pénale (question du discernement, ici traitée) et l’aptitude à la sanction pénale (traitée dans un autre focus).
Avant de s’interroger sur le point de savoir si un mineur ayant commis une infraction peut être déclaré pénalement responsable, une précision liminaire s’impose.
L’article 122-8 du Code pénal et l’article L.11-1 du CJPM, reproduits ci-après, sont entrés en vigueur le 30 septembre 2021. Or, ces modifications législatives sont issues d’une loi pénale de fond qui touche au caractère imputable de l’infraction commise par le mineur. Conformément à l’article 112-1 du Code pénal, la loi pénale nouvelle de fond plus douce peut s'appliquer à des faits commis avant son entrée en vigueur, à condition que ces faits n’aient pas donné lieu à une condamnation pénale définitive. Il s’agit du principe de rétroactivité in mitius. S’agissant de la loi du 26 février 2021, il s’agit d’une loi pénale de fond plus douce puisqu’elle offre désormais à l’auteur la possibilité d’invoquer son absence de discernement et a fortiori, lorsqu’il est un mineur de moins de 13 ans [1].
Cette précision établie, il convient d’envisager à proprement parler l’engagement de la responsabilité pénale du mineur. Pour ce faire, il doit être fait application de l’article 122-8 du Code pénal ainsi que de l’article L.11-1 du CJPM.
L’article 122-8 du Code pénal dispose que : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le code de la justice pénale des mineurs. »
L’article L.11-1 alinéa 2 du CJPM introduit, quant à lui, une double présomption selon l’âge du mineur : « Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement ». Cette dernière disposition, parfois décrite comme ambiguë, ne traite pas, à proprement parler, de la responsabilité pénale du mineur. Il est seulement question de son discernement.
Néanmoins, il résulte de la lecture combinée de ces articles que le mineur de plus de 13 ans est présumé discernant et donc, responsable. Il peut néanmoins apporter la preuve d’une absence de discernement et donc de son irresponsabilité. La doctrine s’accorde en effet sur le caractère simple/réfragable des présomptions ainsi posées et partant, sur la possibilité de renverser lesdites présomptions [2].
Cela signifie qu’il est possible de démontrer qu’un mineur de 11 ans est discernant et donc qu’il est responsable pénalement. Il est également possible de démontrer qu’un mineur de 14 ans n’est pas discernant et donc qu’il est irresponsable pénalement.
En conséquence, les mineurs sont pénalement responsables à condition qu’ils soient capables de discernement. La capacité de discernement est donc le critère de référence permettant d’engager la responsabilité pénale du mineur. Cela était déjà le cas sous l'empire de l'ancien texte et de la jurisprudence. Néanmoins, aucun seuil d’âge n'était fixé dans la loi.
Le CJPM a donc introduit un seuil d’âge ; ce qui a pour effet de quadriller, de façon quasi-schématique mais néanmoins adaptable, l’engagement de la responsabilité pénale du mineur. Parallèlement au seuil d’âge exposé ci-avant, le CJPM pose désormais une définition du discernement.
Si le mineur discernant avait pu être défini dans la jurisprudence antérieure comme celui qui « a compris et voulu l'acte qui lui est reproché, a agi avec intelligence et volonté » (Crim. 13 déc. 1956, Laboube, n°55-05.772), faute pour l’ordonnance de 1945 d’en donner une définition expresse, une définition légale est aujourd’hui présente dans le CJPM. L’article L.11-1 alinéa 3 du CJPM dispose en effet que : « Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l'objet. »
Ainsi, tout dépend du mineur et des circonstances de l’espèce. La capacité de discernement est propre à chaque personne, ce qui impose, en pratique, de recourir aux expertises notamment psychologiques et psychiatriques.
En conclusion, que la présomption de discernement ou la présomption de non-discernement soit appliquée ou renversée, c’est la capacité du mineur à comprendre les conséquences des actes infractionnels qu’il a commis, qui permet de fonder sa responsabilité pénale.
Juliette SUSSOT
[1] Guide pratique sur le Code de la justice pénale des mineurs, publié par le CNB en décembre 2021, page 7/86 : https://www.cnb.avocat.fr/sites/default/files/cnb_guide_code-de-la-justice-penale-des-mineurs.pdf
[2] Catherine Marie, [Focus] Présentation de la réforme de la justice pénale des mineurs, La lettre juridique, octobre 2021
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