Réflexions sur la place de la victime dans le procès pénal
La place de la victime dans le procès pénal, en évolution permanente, continue encore aujourd’hui de questionner. Il est ici question de la recherche constante d’un juste équilibre. Ainsi, « La victime doit (…) occuper une juste place au sein du processus pénal, rien que sa place mais toute sa place »[1].
De la justice privée à la justice étatisée. A l’origine, la justice était privée, fondée sur la vengeance et sur la loi du talion[2]. Deux clans s’opposaient : celui de l’auteur d’une infraction, et celui de la victime. L’auteur se voyait imposer une sanction par les proches de sa victime ou par sa communauté. Par la suite il est apparu nécessaire de mettre en place des instances étatiques pour centraliser et structurer la répression des comportements déviants, heurtant l’ordre social. Désormais, la société est considérée comme la première victime d’une infraction puisque c’est elle, par le biais de ses représentants (nos élus), qui édicte les règles de droit que nous devons tous respecter.
Parties traditionnelles au procès pénal. Parce que le procès pénal oppose l’auteur des faits à la société toute entière qui l’accuse, l’instance oppose le prévenu ou l’accusé[3] au ministère public, aussi appelé « parquet », incarné par le Procureur de la République[4]. Ainsi, il n’est pas obligatoire qu’une victime dépose plainte, ni même qu’elle soit précisément identifiée puisque sa présence n’est pas indispensable au procès. Ceci explique que, même en cas de retrait d’une plainte par exemple, le Procureur puisse poursuivre l’auteur des faits, contre l’avis de la victime[5]. A noter toutefois que pour une poignée d’infractions « d’intérêt privé », le consentement de la victime est nécessaire aux poursuites[6]. De plus, certaines infractions ne font pas de victime privée précise, et sont pourtant réprimées par le droit pénal, c’est notamment le cas par exemple des atteintes au secret de la défense nationale, ou encore du discrédit jeté sur une décision de justice.
L’objet du procès pénal.
Le procès pénal n’est donc pas centré sur la souffrance de la victime puisqu’au contraire, il est celui de l’auteur des faits. Il est un procès que l’Etat fait à l’auteur d’un fait délictueux parce qu’il a enfreint l’ordre social établi et les règles de la vie en société.
Ainsi défini, le procès pénal a donc une finalité répressive[7] : c’est l’instance qui vise à sanctionner l’auteur d’une infraction pénale (c’est-à-dire d’un comportement actif ou passif, prohibé par la loi pénale) au moyen d’une peine. L’enjeu du procès pénal est alors de parvenir à cette sanction tout en préservant les droits fondamentaux du mis en cause[8].
Procédure pénale et droits des victimes. Des notions fondamentales de notre procédure pénale favorables à la personne poursuivie comme la présomption d’innocence, les droits de la défense (qui comprend par exemple le droit de se taire ou d’être assisté d’un avocat), les causes d’irresponsabilité pénale ou plus encore la prescription[9], conduisent régulièrement à une incompréhension, et parfois à une indignation, des politiques, des médecins, des journalistes, et plus généralement de l’opinion publique.
La victime est alors parfois présentée comme « la grande oubliée du procès pénal » mais alors, qu’en est-il vraiment ?
Lorsque la victime acquiert le statut de partie civile, elle devient une partie accessoire au procès, c’est-à-dire qu’elle est secondaire et que la plupart du temps, sa présence n’est pas nécessaire au déroulé de la procédure. Cependant, il ne faut pas en déduire pour autant qu’elle n’a pas sa place dans le procès pénal.
I) Les notions de victime et de partie civile
La victime. Si le Code pénal et le Code de procédure pénale parlent régulièrement de victime ou encore de « partie lésée », celle-ci n’est définie dans aucun de ces deux Codes. De manière simple, en droit, on peut définir la victime comme la personne physique ou morale qui subit un préjudice. En droit pénal, ce préjudice doit résulter d’une infraction[10] : alors, de simple membre de la communauté, on devient « victime ». Cependant, il faut comprendre qu’une simple victime n’a qu’une influence limitée sur le déroulement de la procédure, puisqu’elle se contente d’amener les éléments de preuve qui peuvent étayer le dossier. Si elle souhaite prendre véritablement part au procès pénal, la victime doit se constituer partie civile.
La partie civile. La partie civile est « la personne physique ou morale que la loi autorise à exercer une action en réparation du préjudice que lui a causé l’infraction (l’action civile) devant une juridiction répressive »[11]. A ce titre, l’article 2 du Code de procédure pénale dispose que « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Autrement dit, peut se constituer partie civile la victime qui souffre d’un préjudice à la fois personnel (c’est-à-dire qu’elle ressent en propre) et direct (en lien direct avec l’infraction, le préjudice ne pouvant pas en découler seulement de façon indirecte). Lorsqu’elle se constitue partie civile, la victime devient partie au procès pénal : elle soutient l’accusation aux côtés du ministère public mais reste une partie accessoire au procès.
L’élargissement des notions de victime et de partie civile. A priori, la partie civile est la victime, mais cette identité ne se vérifie pas toujours. Si une victime peut faire le choix de ne pas se constituer partie civile, il y a aussi des cas où la partie civile n’est pas une victime directe de l’infraction mais où la qualité de partie civile lui est reconnue sur le fondement de l’article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale[12]. C’est le cas principalement des héritiers de la victime[13] et des groupements qui défendent un intérêt collectif (syndicats, ordres professionnels, associations).
La notion de victime a elle aussi fait l’objet d’un élargissement en incluant des victimes dites par ricochet[14]. En effet, la jurisprudence a fini par reconnaitre dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 9 février 1989 qu’il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que les proches de la victime d’une infraction de blessures involontaires sont recevables à rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant directement des faits objets des poursuites : les victimes par ricochet subissent donc un préjudice propre, du fait de la souffrance de leur proche[15].
Si les développements qui vont suivre sont valables pour toutes les parties civiles, ils se concentreront sur la victime au sens de l’article 2 du Code de procédure pénale : c’est-à-dire la victime directe, et la victime par ricochet.
II) Les fonctions de l’action civile
La condition de l’intérêt à agir. Selon la formule classique, « pas d’intérêt, pas d’action ». Il faut entendre par là que pour pouvoir faire appel à un juge, il est nécessaire de présenter entre autres un intérêt à agir. Il peut être défini comme « le profit, l’utilité, ou l’avantage que l’action est susceptible de procurer au plaideur ». Cela signifie que la demande formée est susceptible de modifier, en l’améliorant, la condition juridique de celui qui agit[16].
Comme cela a été vu en introduction, le procès pénal est avant tout une affaire de répression, qui concerne le délinquant et la société. Pour autant, si on admet que la victime puisse se constituer partie civile, c’est qu’elle a une place dans le procès. Cette place se justifie par le « double visage » de l’action civile[17] qu’elle revêt, avec une évidente fonction indemnitaire, mais aussi une fonction vindicative. Ainsi, la victime d’une infraction peut présenter alternativement ou cumulativement deux intérêts à agir différents.
A. La fonction indemnitaire de l’action civile
Le droit à indemnisation de la victime. La fonction indemnitaire de l’action civile est la plus évidente, et renvoie au mécanisme de droit civil en vertu duquel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »[18]. Ainsi, lorsqu’une personne subit un préjudice, qui est causé par une faute, l’auteur de cette faute lui doit réparation à hauteur de ce préjudice.
Le droit de demander réparation au juge pénal. A l’origine, la victime d’une infraction pénale demandait réparation de son préjudice à son juge naturel : le juge civil. Néanmoins, cette situation conduisait à une dissociation de l’instance entre le juge pénal, qui statuait sur la culpabilité et sur la peine éventuelle, et le juge civil, qui statuait sur la réparation. Deux juges avaient donc à connaitre des mêmes faits ce qui pouvait conduire à un encombrement des juridictions et à des lenteurs excessives.
C’est ainsi que la Cour de cassation a admis que l’action civile, c’est-à-dire l’action indemnitaire découlant d’une infraction pénale, puisse être portée directement devant le juge répressif, solution consacrée par le législateur[19].
Ce dernier devra donc prononcer, en vertu des règles de droit civil, le montant de l’indemnisation du préjudice de la victime qui sera due par l’auteur[20]. La victime trouve donc sa place au sein du procès pénal puisqu’il l’intéresse directement s’agissant des intérêts civils.
B. La fonction vindicative de l’action civile
La fonction vindicative de l’action civile. Si la victime s’est vu reconnaitre une place devant le juge pénal, c’est aussi et surtout parce que l’action civile a une fonction vindicative. Cette dernière renvoie à la place historique de la victime au processus d’accusation, et à la notion de vengeance. En effet, en participant activement à l’accusation, la victime tire un avantage non plus financier mais moral de la possibilité de voir l’auteur condamné, et donc de le voir souffrir. Ainsi l’équilibre interpersonnel perturbé par l’infraction d’une certaine manière rétabli.
La dissociation de l’action civile. En principe, l’action civile est une action en réparation. Par conséquent, la victime ne devrait pas pouvoir l’exercer si elle ne demande pas réparation, car elle n’aurait pas d’intérêt à agir. La jurisprudence a toutefois admis le contraire, notamment dans un arrêt Randon de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 janvier 1953, qui fait l’objet d’une jurisprudence constante.
Elle reconnait la possibilité d’une dissociation de l’action civile, en estimant que la satisfaction morale que peut retirer la victime en étant partie au procès pénal peut constituer à elle seule un intérêt à agir[21].
Elle « corrobore » l’action publique, c’est-à-dire qu’elle soutient l’accusation aux côtés du ministère public.
Fonction vindicative et paix sociale. Certains critiquent la prise en compte de cette fonction vindicative, aux motifs que ce ne serait pas un élément assez noble pour qu’il soit pris en considération ou parce qu’il brouillerait les finalités du procès pénal. Cependant, on peut opposer qu’en contribuant à l’apaisement de la victime, l’action civile participe également à la réparation du trouble à l’ordre social. En effet, ne pas permettre à la victime de trouver une forme de réponse dans le procès pénal, c’est risquer une justice privée, mise en œuvre par la victime ou par sa communauté d’appartenance.
Ainsi pour Xavier Pin, « répondre au besoin de la victime d'accuser, c'est certainement favoriser moins la vengeance que l'apaisement »[22].
Même si la réponse n’est pas une condamnation, il est possible que dans certains cas, le simple fait d’avoir participé à l’accusation apporte une forme de satisfaction à la victime.
Fonction vindicative et équilibre du procès pénal. De plus, l’argument selon lequel l’équilibre du procès pénal pourrait être rompu s’il était guidé par un esprit de vengeance ne vaut pas car les magistrats conservent la maitrise de l’exercice de l’action publique, et au final, la décision de culpabilité n’est pas prise par la victime, qui n’a pas son mot à dire sur cette question.
III) Les droits de la partie civile au procès pénal
La partie civile au procès pénal dispose de deux catégories de droits : le droit de déclencher l’action publique, reconnu à la partie civile (A) et les droits procéduraux qui lui sont reconnus tout au long du procès (B).
A. Le droit de déclencher l’action publique
L’action publique est l’action qui tend à se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de la personne poursuivie et à la sanctionner en lui infligeant le plus souvent une peine.
Modes de constitution de partie civile. La victime peut se constituer partie civile par voie d’intervention, lorsque l’action publique a déjà été engagée par le ministère public[23], ou par voie d’action lorsque les poursuites n’ont pas été enclenchées. Dans ce deuxième cas, la partie civile déclenche les poursuites conformément à l’article premier alinéa 2 du Code de procédure pénale[24]. Cela est possible de deux manières : elle peut exercer une citation directe en matière correctionnelle ou contraventionnelle mais pas en matière criminelle[25], ou encore déposer une plainte avec constitution de partie civile depuis un arrêt Laurent-Atthalin[26], solution qui a depuis été consacrée par le législateur[27]. Il est intéressant de noter que ces deux procédures permettent à la victime de contrecarrer un refus de poursuivre du ministère public[28].
Equilibre de la procédure. Cependant, la procédure reste équilibrée puisque si la partie civile se voit reconnaitre le droit de déclencher l’action publique, y compris contre l’avis du ministère public, sa conduite reste confiée à ce dernier, et la victime ne pourra par exemple pas contester un jugement de relaxe ou d’acquittement en ce qui concerne les intérêts pénaux, c’est-à-dire la condamnation et la peine, cet appel étant réservé au ministère public[29]. De plus, la citation directe n’est possible que pour des affaires simples et si elle est encadrée par une exigence de consignation[30], consignation également valable pour la constitution de partie civile qui est aussi soumise à des contraintes en terme de délai après un classement sans suite. Ces freins visent à limiter les recours abusifs ou dilatoires.
B. Les droits procéduraux de la partie civile au cours de la procédure
La victime ne conduit pas l’action publique et ne bénéficie pas à proprement parler du principe d’égalité des armes[31] puisque ses droits ne sont pas en cause et qu’elle n’est là que pour soutenir l’accusation du ministère public.
Mais elle n’est pas pour autant effacée lors du procès puisqu’en tant que partie, elle se voit reconnaitre un certain nombre de droits, lesquels ont connu d’importantes évolutions.
La partie civile bénéficie pour commencer de tous les droits procéduraux classiquement reconnus. Il s’agit notamment du droit d’accéder au dossier d’instruction pour préparer ses conclusions, du droit d’être assistée d’un avocat et de la possibilité de bénéficier le cas échéant de l’aide juridictionnelle. Elle dispose aussi d’un large droit d’information. En effet, au stade de l’enquête, les officiers et agents de police judiciaires doivent informer la victime de ses droits[32], et notamment de son droit à obtenir réparation et de se constituer partie civile. Au stade de l’opportunité des poursuites, le le Procureur de la République doit en principe aviser « les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, (…) des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement »[33]. Le juge d’instruction informe aussi la victime de l’ouverture d’une information et de son droit de se constituer partie civile[34], de l’avancement de l’information[35] et de l’ordonnance de renvoi ou de mise en accusation[36].
Elle participe aussi à la manifestation de la vérité. Au stade de l’enquête tout d’abord : si la Cour de cassation applique aux autorités publiques un principe de loyauté de la preuve, les parties privées peuvent quant à elles fournir des éléments de preuve recueillis de manière illicite ou déloyale[37]. De plus, au stade de l’instruction, en tant que partie, la partie civile peut demander des actes de procédure comme des auditions, des confrontations, ou des transports sur les lieux[38]. Son avocat peut aussi poser des questions ou présenter de brèves observations lors des interrogatoires, confrontations et auditions[39]. A l’audience, la partie civile participe au débat contradictoire. Elle peut poser des questions à l’auteur de l’infraction par l’intermédiaire de son avocat ou du président de juridiction[40]. Ainsi, en plus de contribuer à la manifestation de la vérité, la victime retrouve un rôle actif et peut chercher à obtenir des réponses à ses questions. En effet, on peut estimer que « derrière la clameur de la victime se trouve une souffrance qui crie moins vengeance que récit »[41]. Elle a aussi le droit d’être entendue ou de se faire représenter par un avocat. Cette possibilité de s’exprimer présente une importance toute particulière en ce qu’elle permet à la victime d’exprimer son ressentiment et sa souffrance, ce qui a des vertus cathartiques.
IV) Le procès pénal et la reconstruction de la victime
Les attentes de la victime vis-à-vis du procès.
Le procès pénal est un moment généralement important pour les victimes : parfois redouté, mais souvent très attendu, ces dernières nourrissent beaucoup d’espoir et certaines pensent qu’elles vont « guérir » lors du procès.
Lorsque celui-ci débouche sur une absence de condamnation ou sur une peine considérée comme trop faible par les victimes, elles peuvent se retrouver dans une situation de profond désarroi et ressentir un fort sentiment d’injustice. La motivation des décisions, de relaxe ou d’acquittement mais aussi de non-lieu ou de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, trouve alors un intérêt et un sens tout particulier. Cependant, il arrive souvent que même lorsque des condamnations exemplaires sont prononcées par les juridictions, les victimes ne soient pas satisfaites. Elles considèrent parfois qu’elles n’ont pas pu s’exprimer suffisamment, mais souvent, elle déplore l’absence de réponse aux deux questions fondamentales que se posent les victimes : « pourquoi ? » et « comment ? »[42]. Parce que l’auteur a gardé le silence pendant la procédure, ou parce qu’il demeure des zones d’ombre dans le dossier, certaines victimes pensent qu’elles ne pourront jamais se reconstruire.
D’autres modes de reconstruction.
Cependant, c’est trop attendre du procès pénal que d’espérer y trouver une forme d’apaisement et de reconstruction. Si c’est le cas, c’est une bonne chose, mais ce n’est pas et ne doit pas être son objectif premier. La reconstruction de la victime peut – et doit souvent – passer par d’autres chemins.
L’accompagnement au sein de la procédure par des professionnels du droit comme des avocats et par des associations d’aide aux victimes est un mécanisme à encourager et à faciliter, notamment en octroyant les moyens – financiers, matériels, humains – aux associations de se développer et de fonctionner. De plus, le suivi psychologique des personnes concernées par l’infraction est parfois nécessaire au processus de reconstruction. Il est possible d’amorcer une réflexion sur la possibilité d’un remboursement des soins psychologiques par la sécurité sociale. Enfin, face à une justice pénale qui peine parfois à « restaurer » l’auteur et surtout la victime, la justice restaurative[43] est probablement une piste à explorer et à mettre davantage en pratique.
CONCLUSION
Equilibre du procès pénal.
La victime n’a qu’une place réduite dans le procès pénal mais n’est pas comme on pourrait le penser la grande oubliée du procès pénal puisqu’elle peut se constituer partie civile.
Elle bénéficie à ce titre de divers droits procéduraux et du droit extrêmement important de contrecarrer le refus du déclenchement de l’action publique par le ministère public. Malgré cela, il semble qu’un équilibre soit trouvé en confiant la conduite de l’action publique aux magistrats, qui contrairement à la victime sont impartiaux et jugent en droit, exigences fondamentales, particulièrement s’agissant d’une matière répressive. C’est aussi cette exigence d’impartialité et l’objet même du procès pénal qui expliquent que la partie civile ne statue pas sur la peine (et ne peut interjeter appel que sur les intérêts civils), pas plus qu’elle n’a son mot à dire sur les mesures privatives de liberté dont fait l’objet l’auteur des faits. Au stade de l’exécution de la peine, la partie civile n’a pas sa place devant les juridiction d’application des peines[44] mais peut demander à être informée des modalités d’exécution (par exemple de la date de libération).
Malgré les droits dont elle dispose en tant que partie civile, la victime n’est pas au cœur du procès et c’est sans doute souhaitable. Le procès est le moment lors duquel la société accuse l’auteur d’une infraction, et le sanctionne pour avoir violé l’ordre socialement établi, indépendamment de la souffrance de la victime.
Il semble que la victime ait finalement trouvé sa juste place dans le procès pénal, ni trop importante, ni trop effacée.
Adélie JEANSON-SOUCHON
[1] AJ Pénal 2009 p.491, De la victime oubliée ... à la victime sacralisée ? Robert Cario, Professeur de sciences criminelles
[2] « Œil pour œil, dent pour dent »
[3] On parle de prévenu lorsque l’infraction est une contravention ou un délit, et d’accusé lorsque c’est un crime.
[4] En appel, on parle de « parquet général » et de « Procureur Général ». Le Procureur près un tribunal judiciaire est assisté par des substituts du Procureur, formant ainsi le « Parquet près le tribunal judiciaire ».
[5] Article 2 alinéa 2 du Code de procédure civile « La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6. » (l’alinéa évoqué vise le cas où « la plainte est une condition nécessaire de la poursuite. »)
[6] C’est le cas notamment pour l’atteinte à l’intimité de la vie privée ou encore l’injure et la diffamation.
[7] Si le droit pénal a une fonction avant tout répressive, c’est-à-dire qu’il vise à sanctionner l’auteur d’une faute, il a aussi une fonction préventive. En effet, en sanctionnant les auteurs de faits délictueux, il a aussi pour effet de dissuader d’autres personnes de se livrer à la commission d’infractions. Ce faisant, le procès pénal protège la société et donc les potentielles futures victimes d’infraction.
[8] Cette préservation des droits fondamentaux vaut tout d’abord parce que le prévenu ou l’accusé peut être innocent mais elle ne disparait pas pour autant lorsque la culpabilité est reconnue et établie (il bénéficie par exemple des droits de la défense).
[9] Pour en apprendre plus sur le mécanisme de la prescription et sur la prise en compte des victimes face à cette règle de procédure pénale, voir notre article : Les pénalistes en herbe, A. Jeanson-Souchon https://www.lespenalistesenherbe.com/post/face-%C3%A0-la-prescription-quelle-solution-pour-les-victimes
[10] On dit alors classiquement que la victime subit le résultat légal de l’infraction. Par exemple, dans le cas d’un meurtre, la victime est celle qui a subi l’acte homicide, et dans le cas d’un vol, c’est celle dont le bien a été soustrait de manière frauduleuse. Cette approche classique doit être tempérée par l’élargissement de la qualité de victime aux victimes par ricochet.
[11] Charlotte Claverie-Rousset, « Repenser la place de la victime dans le procès pénal »
[12] Article 3 Code de procédure pénale alinéa 2 « L’action civile sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite. »
[13] C’est aussi le cas d’autres cessionnaires de l’action civile comme l’assureur, mais leur action est strictement encadrée par la loi.
[14] Les victimes par ricochet sont les proches de la victime qui souffrent indirectement de l’infraction en raison de la souffrance de la victime directe qui souffrent indirectement de l’infraction
[15] Elles peuvent éprouver un préjudice moral (peine) ou un préjudice matériel (perte de revenus du foyer par exemple)
[16] Définition de L. CADIET et E. JEULAND, dans leur ouvrage Droit judiciaire privé
[17] F. Boulan, Le double visage de l’action civile exercée devant la juridiction répressive : JCP G 1973, I, n° 2563. [18] Article 1240 du Code civil sur la responsabilité civile extracontractuelle.
[19] Article 3 alinéa 1 du Code de procédure pénale : « L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction » (donc devant un juge pénal).
[20] C’est ainsi que par exemple le principe de réparation intégrale du préjudice sera pris en compte par le juge pénal, mais que la faute de la victime pourra être prise en compte pour réduire son indemnité. Des aménagements sont toutefois envisageables, avec par exemple l’utilisation de la prescription de droit pénal. Article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale : « L’action civile sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite. »
[21] Ce mécanisme trouve un intérêt lorsque la victime ne veut pas demander réparation pour convenances personnelles, mais aussi lorsqu’elle ne peut pas demander réparation parce que son préjudice a déjà été réparé ou parce que son indemnisation ne relève pas de la compétence du juge pénal (par exemple : transport aérien et maritime, accident du travail, terrorisme, …)
[22] Xavier Pin, La privatisation du procès pénal, RSC 2002 p.245
[23] En cas de constitution de partie civile par voie d’intervention, la victime peut se constituer partie civile à tout moment au cours de l’instruction (art 87 du Code de procédure pénale) et elle doit être informée par le juge d’instruction de l’ouverture d’une information judiciaire et de la possibilité de se constituer partie civile (art 80-3 du Code de procédure pénale) Elle peut aussi se constituer partie civile durant l’audience par déclaration consignée par le greffier ou dépôt de conclusions, ou lors de l’enquête.
[24] « Cette action [publique] peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code. »
[25] Article 392-1 du Code de procédure pénale
[26] Cet arrêt de la Cour criminelle du 8 décembre 1906, aussi appelé arrêt Placet a pu être présenté par certains auteurs comme l’arrêt « le plus décisif de l'histoire de notre procédure pénale » (P. Conte et P. Maistre du Chambon, Procédure pénale, Armand Colin U, 3e éd., 2001, n° 241), cet arrêt a mis en place la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction car elle représentait « l'équivalent légal et nécessaire » du droit de citation directe
[27] Article 85 du Code de procédure pénale
[28] En effet, en France, c’est le système de l’opportunité des poursuites qui prévaut, ce qui signifie que lorsqu’une infraction est commise, le ministère public décide en opportunité des suites pénales à donner. Il peut décider de la saisine d’une juridiction d’instruction ou de jugement, d’une alternative aux poursuites ou encore d’un classement sans suite, s’il estime que l’infraction n’est pas constituée par exemple ou simplement que les poursuites ne sont pas opportunes. Pour en savoir davantage sur le classement, voir l’article Les Pénalistes en herbe, A. Gasnot, https://www.lespenalistesenherbe.com/post/le-classement-sans-suite-et-l-apr%C3%A8s#:~:text=Le%20classement%20sans%20suite%20fait,pris%20une%20d%C3%A9cision%20de%20classement.
[29] Elle pourra seulement faire un « appel sur intérêts civils », c’est-à-dire demander à un nouveau juge de réexaminer seul la question de son indemnisation, sans se prononcer de nouveau sur la culpabilité et la peine.
[30] La consignation est destinée à financer l’éventuel versement d’une amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire.
[31] Découlant du procès équitable dans la jurisprudence de la Cour EDH, puis consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale, ce principe de l’égalité des armes implique de préserver un certain équilibre entre les droits de toutes les parties au procès. Cependant, dans un arrêt Cour EDH 27 juin 1968 Neumeister c/ Autriche, la Cour de Strasbourg a considéré qu’il n’est pas question d’identité mais simplement d’une juste proportionnalité entre les droits des parties.
[32] Article 10-2 du Code de procédure pénale
[33] Article 40-2 alinéa 1 du Code de procédure pénale. Dans les faits, on constate toutefois que l’information effective des victimes des suites données à la procédure, et notamment des classements sans suite, peut varier selon les parquets.
[34] Article 80-3 du Code de procédure pénale
[35] Article 90-1 du Code de procédure pénale
[36] Article 183 du Code de procédure pénale
[37] Ce principe fait l’objet d’une jurisprudence constante, voir par exemple un arrêt Cass Crim 15 juin 1993
[38] Article 82-1 alinéa 1 du Code de procédure pénale. L’alinéa 2 précise que « Le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ».
[39] Article 120 du Code de procédure pénale
[40] Article 312 en matière criminelle, article 442-1 en matière contraventionnelle et article 536 en matière contraventionnelle.
[41] Cité par C. Lazerges, dans G. Giudicelli-Delage, C. Lazerges (dir.), La victime sur la scène pénale en Europe, PUF, coll. Les voies du droit, 2008, p. 21. ; v. P. Ricoeur, Le juste, Esprit, 1995, p. 193 s.
[42] R. Cario, La Justice restaurative, une utopie créatrice et rationnelle « Chacun va pouvoir poser les deux questions essentielles qui le taraudent, à tous les stades de la procédure. « Pourquoi ? » : pourquoi moi ; pourquoi toi ; qu’ai-je fait pour que cela advienne ; qu’aurais-je dû faire pour l’éviter, notamment. « Comment ? » : comme vivre avec ce qui a détruit mes croyances en une société sûre, ayant du sens et à laquelle je participe ; comment reconquérir l’estime de soi ; revivre au sein de ma famille ; reprendre le pouvoir sur tous les aspects de ma vie que le crime a profondément perturbé, principalement. »
[43] Ce mécanisme sera traité dans un futur article dédié.
[44] Cass. crim., 15 mars 2006 : Bull. crim. 2006, n° 81.