Le financement du service public de la Justice est, à titre principal, assuré par l’impôt. Ainsi, est posé le principe de gratuité du service public de la Justice. Il est traditionnellement présenté comme l’un des grands principes de fonctionnement de la Justice (avec l’indépendance et la publicité notamment).
En matière pénale, l’ensemble des frais exposés afférents aux convocations, aux expertises, aux mesures d’enquêtes, aux traductions, à la tenue des audiences, etc. est pris en charge par l’Etat.
L’article 800-1 du Code de procédure pénale dispose que : « Les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours contre le condamné ou la partie civile. » Cet article pose toutefois plusieurs réserves et fait émerger l’idée que le principe de gratuité de la Justice est soumis à des tempéraments.
Lorsqu’une procédure pénale est mise en œuvre (parce que déclenchée par le parquet ou parce qu’introduite par la partie civile), il peut en découler divers frais pour le justiciable. Les frais de justice restant à la charge des justiciables sont majoritairement liés aux coûts de la procédure et aux honoraires des avocats.
Partant, malgré le principe de gratuité de la Justice, tout procès pénal aura un coût pour le justiciable. Ainsi, sont traditionnellement distingués les dépens (I) des frais irrépétibles (III). Seront également envisagés quelques exemples de dépens (II).
A titre liminaire, il semble important d’apporter une rapide précision sur la consignation. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de ce qui peut relever de la catégorie des frais de justice. En cas de dépôt de plainte avec constitution de partie civile, une consignation doit être déposée afin de garantir le paiement d'une éventuelle amende en cas de constitution de partie civile abusive (il existe des hypothèses de dispense). A l’issue de la procédure, la somme déposée au titre de la consignation est par principe restituée, a fortiori lorsque le plaignant est reconnu et indemnisé en sa qualité de partie civile.
I. Les dépens
Qu’est-ce que c’est ?
Les dépens sont l'ensemble des frais directement liés à la procédure judiciaire. Cette catégorie recouvre plus spécifiquement les sommes afférentes aux frais de procédure pouvant être mises à la charge de l’une des parties par le juge.
La question des frais de justice {1} est réglée par le Titre X : “Des frais de justice” du Code de procédure pénale aux articles 800 à 803-10 et R.91 à R.294-8.
Il peut s’agir des frais afférents aux actes effectués par le juge (expertises, interceptions de correspondances, géolocalisation, reconstitution, mise sous séquestre, saisie, garde et destruction de scellés, traduction de documents en français, constat du commissaire de justice {2}, audition des mineurs avec un professionnel spécialisé, convocation des parties, etc...), des indemnités de comparution versée aux témoins, des rémunérations des techniciens, des débours et des émoluments des officiers publics ou ministériels, des droits fixes de procédure payés par le condamné (cf. infra), des droits de plaidoirie (cf. infra), des frais de notification des jugements…
Qui doit prendre en charge les dépens ?
Il revient au juge de statuer sur la prise en charge des frais de justice. Il peut décider que chacune des parties supportera ses dépens. Il peut également mettre les dépens à la charge de l’une des parties en fonction des circonstances de la cause.
II. Quelques exemples de frais de justice
Les droits fixes de procédure (A) et les droits de plaidoirie (B) sont des dépens. Ce ne sont pas les seuls frais appartenant à cette catégorie. Néanmoins, parce que ce focus n’a pas vocation à être exhaustif, seuls ces frais seront envisagés.
A. Les droits fixes de procédure
Qu’est-ce que c’est ?
Conformément à l’article 1018 A alinéa 1 du Code général des impôts : « Les décisions des juridictions répressives, à l'exception de celles qui ne statuent que sur les intérêts civils, sont soumises à un droit fixe de procédure dû par chaque condamné. »
Cet article donne le détail des sommes dues au titre des droits fixes de procédure. Le montant de ces sommes dépend de la procédure concernée :
31 € pour les ordonnances pénales en matière contraventionnelle ou correctionnelle et pour les autres décisions des tribunaux de police ;
127 € pour les décisions des tribunaux correctionnels (ce montant peut être majoré dans certaines conditions) ;
169 € pour les décisions des cours d’appel (correctionnelle et police) ;
527 € pour les décisions des cours d’assises ;
211 € pour les décisions de la Cour de cassation, en matière criminelle, correctionnelle et de police.
Il est nécessaire d’avoir reçu le relevé de condamnation pénale {3} pour pouvoir s’acquitter des droits fixes de procédure. Ce relevé peut être remis au condamné à l'issue de l'audience. Le cas échéant, il est possible d’en faire la demande auprès du greffe de la juridiction ayant rendu la décision, dans le délai d’un mois à compter de son prononcé (art. R.55-4 C.proc.pén.).
Conformément au décret n°2005-1099 du 2 septembre 2005, si ce droit fixe de procédure est payé dans le mois qui suit la date à laquelle le condamné a eu connaissance de sa condamnation, il bénéficie d’une réduction de 20% sur la somme due.
Qui doit prendre en charge les droits fixes de procédure ?
Les droits fixes de procédure sont payés par les condamnés et recouvrés comme en matière d'amendes et de condamnations pécuniaires par les comptables publics compétents.
A ce propos, certains tribunaux sont dotés de Bureau de l’exécution des peines. Cela permet aux personnes condamnées d’obtenir des informations sur les décisions rendues à leur encontre. Les Bureaux de l’exécution des peines permettent aussi aux personnes condamnées de payer leurs amendes ainsi que les frais de procédure.
Les personnes bénéficiant d’une décision leur octroyant l’aide juridictionnelle doivent également s’acquitter de ce droit fixe de procédure.
L’article pré-cité apporte trois précisions quant aux personnes concernées par le paiement des droits fixes de procédure :
Le condamné mineur n’a pas à s’acquitter du droit fixe de procédure ;
Lorsque plusieurs personnes sont condamnées pour un même crime ou pour un même délit, elles sont tenues solidairement au paiement des droits fixes de procédures ;
Lorsque la partie civile a mis en mouvement l’action publique et que la personne mise en cause bénéficie d’une décision de non-lieu ou de relaxe, la partie civile doit s’acquitter des droits fixes de procédure.
B. Les droits de plaidoirie
Qu’est-ce que c’est ?
Les droits de plaidoirie sont fixés par décret {4} à 13€ et ne peuvent donner lieu à aucune remise.
Qui doit prendre en charge les droits de plaidoirie ?
Les droits de plaidoirie sont dus pour chaque représentation de partie aux audiences de jugement. Néanmoins, aucun droit n’est dû pour les affaires soumises au tribunal de police pour les quatre premières classes de contravention {5}.
Les droits de plaidoirie restent à la charge de l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. Ils sont exclusivement destinés à financer le régime de retraite de base des avocats. Ces sommes doivent donc être reversées à la Caisse Nationale des Barreaux Français. Si l’avocat ne le fait pas, il risque l’omission au Tableau de l’Ordre {6}.
III. Les frais irrépétibles
Qu’est-ce que c’est ?
Les frais irrépétibles sont toutes les dépenses occasionnées par le procès, mais qui ne sont pas comprises dans les dépens. Il est alors principalement question des honoraires de l’avocat, des frais de transport exposés, des frais d’hébergement, etc.
Qui doit prendre en charge les frais irrépétibles ?
En principe, les parties prennent en charge les frais qu'elles ont respectivement engagés pour le procès. Néanmoins, le juge peut décider de mettre une partie ou la totalité des frais irrépétibles exposés par une partie à la charge de l’autre partie.
L’article 475-1 du Code de procédure pénale qui s’applique en matière correctionnelle, prévoit que : « Le tribunal [peut condamner] l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. » L’article 543 s’applique en matière contraventionnelle et l’article 375 en matière criminelle.
En matière pénale, le tribunal peut condamner le prévenu ou l’accusé déclaré coupable ou la personne déclarée civilement responsable à régler à la victime une somme qu’il détermine, au titre des articles du Code de procédure pénale sus-mentionnés. Cette somme permet de compenser, partiellement ou totalement, les frais irrépétibles qui ont été exposés.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les honoraires de l’avocat restent, en principe, à la charge de la partie ayant mandaté l’auxiliaire de justice. Néanmoins, il est possible, si les conditions sont remplies de faire une demande au titre de l’aide juridictionnelle {7}. Il est également possible que l’autre partie au procès soit condamnée au paiement de tout ou partie de ces sommes.
Conformément à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, si une partie est condamnée à payer les frais irrépétibles et notamment les honoraires de l’avocat de l’autre partie qui elle bénéficie de l’aide juridictionnelle, des règles spécifiques s’appliquent au recouvrement. Dans un tel cas de figure, l’avocat est rétribué par la partie condamnée au paiement des frais. La somme est déterminée par le juge et ne peut « être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 % » c’est-à-dire que la somme minimum correspond à la rétribution que l’avocat aurait perçu au titre de l’aide juridictionnelle multipliée par 1,5. Si l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle recouvre cette somme, il renonce par là même à percevoir la part contributive de l’Etat. S’il ne recouvre qu’une partie de cette somme, la fraction recouvrée est déduite de la part contributive de l’Etat.
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A titre conclusif, il est possible d’envisager les termes “honoraires”, “émoluments” et “débours”, souvent considérés comme obscurs et difficilement rattachables à une réalité pratique. Il s’agit des principaux éléments pouvant être facturés par l’avocat :
Les honoraires sont la part principale de la rémunération de l'avocat et correspondent à l’exécution des missions de l’avocat dans le cadre de son mandat (consultations, conseils, rédactions d’acte juridique, plaidoiries, etc.) ;
Les émoluments sont des rémunérations spécifiques dont le montant est réglementé par la loi. S’agissant par exemple des commissaires de justice, ils perçoivent des émoluments au titre de l’accomplissement de certains actes spécifiques : pour les frais liés à toutes citations en matière criminelle, correctionnelle et de police, pour les frais liés aux significations des mandats de comparution et à toutes significations d'ordonnances, jugements et arrêts et tous autres actes ou pièces en matière criminelle, correctionnelle et de police, est allouée une somme forfaitaire de 9,50 euros ;
Les débours sont les avances faites par l'avocat pour payer des dépenses nécessaires à l'exécution de sa mission, au profit de son client et qui ne sont pas incluses dans ses honoraires (ex : frais de photocopie, frais de correspondance, etc.).
Juliette SUSSOT
{1} Les termes “dépens” et “frais de justice” seront ici tenus pour synonymes.
{2} Anciennement huissier de jusitce. {3} Disposer du relevé de condamnation pénale est également nécessaire pour s’acquitter des éventuelles amendes dues au Trésor public.
{4} Décret n° 2014-1704 du 30 décembre 2014 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente ; art. R.723-26-3 CSS.
{5} Art. R. 723-26-1 CSS.
{6} Régie par les articles 104 à 108 du Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, l’omission du tableau entraîne l’impossibilité pour l’avocat concerné d’exercer des actes professionnels. L’usage du titre d’avocat lui est en principe interdit. L’omission ne doit pas être confondue avec la radiation ; la première est une mesure administrative et peut n’engendrer qu’une suspension temporaire de l’activité à l’initiative de l’avocat concerné tandis que la seconde est une sanction disciplinaire. {7} Sur cette dernière question, voir l’article “L’aide juridictionnelle”.
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