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Photo du rédacteurLes Pénalistes en Herbe

Les deux ans du Code de la Justice pénale des mineurs


Aujourd’hui, en Occident, l’enfance est considérée comme étant une période déterminante pour l’apprentissage et la construction de la personnalité[1]. On pourrait résumer les enjeux de la minorité par cette phrase de Françoise Dekeuwer-Défossez : « De la bonne réussite de l’éducation de l’enfant dépend non seulement son avenir proche mais encore celui de toute la société où il s’insèrera »[2]. Perception qui reste, somme toute, plutôt récente[3].


De la même façon, il est aujourd’hui impératif que le droit pénal prenne en considération la minorité et ses conséquences. Pour autant, cette prise de conscience a tardé à se manifester[4]. Ce n’est qu’au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, par l’ordonnance du 2 février 1945[5], qu’ont été adoptés les grands principes de la justice pénale des mineurs. Protéger et éduquer le mineur sont devenus la priorité : « La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains (…). Ce qu’il importe de connaître, c’est bien moins le fait matériel reproché au mineur que sa véritable personnalité qui conditionnera les mesures prises dans son intérêt »[6]. Ces principes sont imprégnés de la théorie de la Défense sociale nouvelle, mouvement prônant la nécessité certes de condamner l’acte criminel, mais en respectant la dignité de la personne auteur de l’infraction et en lui faisant retrouver des valeurs sociales[7]


C’est pourquoi l’ordonnance de 1945 rappelle tout d’abord l’importance du principe de la spécialisation des juridictions pour mineurs[8], tout en garantissant la primauté de l’éducatif sur le répressif[9]. Il est nécessaire d’apporter une réponse pénale aux infractions commises par des mineurs. Il n’en demeure pas moins que ces jeunes doivent également être protégés. En effet, un mineur en conflit avec la loi est considéré avant tout comme un enfant en danger. C’est dans ce contexte qu’est adoptée dans la foulée, l’ordonnance du 23 décembre 1958[10], qui viennent compléter celle du 2 février 1945 en confiant au juge des enfants le domaine de la protection de l’enfance en danger[11].


Cependant, à compter des années 1980, la situation a évolué. Non seulement le nombre de mineurs mis en cause augmente[12], mais encore la structure de cette délinquance se transforme profondément. Au début des années 1970 par exemple, les vols représentaient alors 75% des actes commis par les mineurs poursuivis. Trente ans plus tard, cette catégorie d’infractions ne représentait plus que 40% des actes poursuivis. Ont en revanche augmenté, dans le même temps, les agressions verbales, les usages de produits stupéfiants, les coups et blessures[13] ou encore les infractions sexuelles et les dégradations de biens publics[14]


Aussi, la perception de la jeunesse par la société change progressivement. Une certaine logique répressive et sécuritaire s’instaure[15]. Les réformes se multiplient[16], rendant l’ordonnance de 1945 difficile à appliquer. Si bien qu’au fil du temps, les mineurs sont davantage regardés comme des menaces que comme des enfants à protéger[17]


Était-il pour autant nécessaire de réformer l’ordonnance de 1945 ? Si en 1998, cela ne coulait pas de source pour certains professionnels[18], les prises de position évoluent[19]. Depuis la Seconde Guerre Mondiale, les réformes de l’ordonnance de 1945 se succèdent, s’empilent. La législation devient illisible et incohérente[20], difficile à appliquer pour les professionnels. 


Or, toute la difficulté en la matière réside en le fait que la justice des mineurs se fonde sur deux impératifs contradictoires : remettre à plat le texte fondateur de l’ordonnance de 1945, en se référant aux principes fondamentaux consacrés aussi bien par le droit international[21] que par le Conseil constitutionnel[22], tout en prenant en considération les nouvelles contraintes liées à l’évolution des phénomènes de délinquance chez les mineurs. 


C’est ainsi qu’en 2019, un projet de Code de la justice pénale des mineurs était soumis au Parlement. La loi n°2021-218 du 26 février 2021 ratifiait l’ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (CJPM). La date d’entrée en vigueur était alors fixée au 30 septembre 2021. Il était prévu, par l’article 8-2 de l’ordonnance du 11 septembre 2019, qu’un bilan de la réforme soit effectué deux ans après son entrée en vigueur. C’est pourquoi le vendredi 13 octobre 2023, le rapport était remis par le garde des Sceaux au Parlement[23]. Ce texte confirme l’impact positif de la réforme, qui a permis entres autres une plus grande réactivité et une réponse plus efficace de la justice. 


Cependant, il était intéressant de se pencher sur d’autres points de vue de professionnels concernant cette réforme. A ce titre, l’ouvrage dirigé par Sylvain Jacopain[24] a été un outil pertinent en complément du bilan présenté par le garde des Sceaux au Parlement.  


Si les professionnels ont été unanimes pour souligner la mise en exergue par le CJPM du principe d’autonomie du droit pénal des mineurs et la diminution des délais de jugement[25] (I), le bilan global reste toutefois contrasté (II).


  1. L’autonomie du droit pénal des mineurs mise en exergue par le CJPM :


  • Exemples de quelques points positifs de la réforme du CJPM


Un article préliminaire rappelant l’autonomie du droit pénal des mineurs


Avant même le titre préliminaire rappelant les principes généraux de la justice pénale des mineurs[26], le CJPM précise, dans un article (lui-aussi préliminaire), que « le présent code régit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des mineurs est mise en oeuvre, en prenant en compte dans « leur intérêt supérieur », l’atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ». Est alors résumé en une grande phrase l’objectif essentiel du principe d’autonomie du droit pénal des mineurs, dégagé précédemment par le Conseil constitutionnel en 2002[27]


Ce rappel est fondamental et a rassuré nombre de professionnels car en effet, la tentation d’adopter une posture plus sévère n’est jamais loin[28]. Et ce d’autant que la tendance de ces dernières années est malgré tout marquée par un certain « durcissement de la réponse pénale », spécialement sur le terrain procédural[29]


Les objectifs du CJPM : simplifier la procédure, accélérer le jugement, améliorer la prise en compte des victimes


La majorité des professionnels travaillant sous l’empire de l’ordonnance de 1945 estimaient que les délais de jugement étaient trop longs[30] (18 mois en moyenne). Il n’était alors pas rare de juger un mis en cause devenu majeur, avec pour conséquence une perte de sens aussi bien envers la justice pénale qu’envers la décision rendue. La réforme avait donc un objectif ambitieux mais quelque peu ambivalent : concilier célérité de la réponse pénale (en permettant une étude de la culpabilité dans un délai court) et intervention éducative (phase exigeant une certaine durée, pour pouvoir produire des effets). 


Pour cette raison, l’article L. 521-1 du CJPM[31] dispose que la procédure de mise à l’épreuve éducative est le schéma procédural de principe. Elle s’applique à l’ensemble des délits et contraventions de 5ème classe, sauf exceptions. Cette procédure reprend et généralise le mécanisme de la césure du procès pénal mis en place dans l’ordonnance de 1945 par la loi du 10 août 2011. 


Ainsi, le parquet chargé de l’orientation de la procédure saisit en premier lieu le juge des enfants en chambre du conseil, dans un délai de 10 jours à 3 mois aux fins de l’audience sur la culpabilité et l’action civile. Lors de cette audience, le juge des enfants peut ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative[32], si la culpabilité du mis en cause est établie. Le magistrat peut également prononcer une mesure éducative judiciaire provisoire[33]. Cette phase dure de 6 à 9 mois. Lorsque le délai s’est écoulé, le mineur est convoqué à l’audience de prononcé de la sanction. Cette audience permet d’ordonner des mesures éducatives définitives, voire des peines si la situation du mineur le justifie. 


La majorité des professionnels considère que cette césure a permis de raccourcir les délais de jugement[34]. De même, il semblerait que la procédure ainsi établie soit mieux appréhendée et comprise par les jeunes, du fait de l’intervention plus précoce de la déclaration de culpabilité[35]


Enfin, les victimes sont mieux prises en compte car la question des intérêts civils est tranchée lors de l’audience de culpabilité. 


Renforcer la primauté de l’éducatif sur le répressif en limitant le recours à l’incarcération 


En outre, le législateur avait pour ambition à travers le CJPM, d'assurer la primauté de l’éducatif sur le répressif[36]. A ce titre, les dispositions du Code ont vocation à limiter l’incarcération en développant les alternatives à la détention à tous les stades de la procédure[37]. Ces dispositions ont été saluées par certains professionnels au motif que la détention produit chez nombre de mineurs des « effets délétères »[38]. Propos appuyés par une étude sociologique menée par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) avec le soutien de l’Administration pénitentiaire, qui démontre que l’incarcération reste « une expérience douloureuse » pour une majorité de mineurs, « en raison tant des conditions matérielles d’existence au quotidien que du sentiment de dévalorisation dont ils font l’expérience »[39]. Cependant, au 1er avril 2024, 831 mineurs étaient détenus[40] pour moins de 700 un an auparavant. 



II) Une philosophie cependant fragilisée[41] par une dilution de la spécificité du droit pénal des mineurs:


  • Des points positifs contrebalancés par une justice des mineurs de plus en plus calquée sur la justice des majeurs?


Le rôle accru du parquet dès le stade initial des poursuites


La réforme du CJPM a donné une place prépondérante au parquet en matière d’audiencement des affaires pénales impliquant des mineurs. En effet, il revient au ministère public de prévoir la convocation du mineur devant l’une des deux formations de jugement[42] (soit devant la chambre du conseil, juridiction de principe, composée du juge des enfants (JE) avec la présence facultative du procureur de la République, soit devant le tribunal pour enfants (TPE), juridiction d’exception), et ce dès le stade des poursuites[43]


Le procureur de la République est donc chargé de la saisine, de principe, du juge des enfants aux fins de jugement selon la procédure de mise à l’épreuve éducative[44]


Par exception cependant, le ministère public peut saisir le TPE dès lors que plusieurs conditions sont respectées[45]. A cela s’ajoute l’article L. 521-2 du même Code, qui dispose que (par dérogation aux dispositions 5de l’article L. 521-1 organisant la procédure de mise à l’épreuve éducative), « la juridiction (soit le TPE) peut (…) statuer lors d’une audience unique sur la culpabilité du mineur et la sanction si elle se considère suffisamment informée sur sa personnalité et n’estime pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative au vu des faits commis par le mineur et sa personnalité ». Saisi initialement par le parquet pour juger le mis en cause lors d’une audience de culpabilité, le TPE peut donc décider, lors de cette audience, de ne pas ouvrir de période de mise à l’épreuve éducative et de statuer, par conséquent, en audience unique. 


Cette souplesse introduite par le CJPM permet, par conséquent, de déboucher sur un traitement procédural a priori exceptionnel mais fondé sur des critères facilement réunis et induisant un caractère d’aggravation. En effet, dès l’âge de 13 ans, un mineur convoqué initialement à une audience de culpabilité, peut être finalement jugé en audience unique dans un délai relativement rapide (entre 10 jours et 3 mois à compter de la mise en mouvement de l’action publique). Cette possibilité procédurale est interprétée par certains professionnels comme diluant la spécificité de la justice pénale des mineurs, au profit d’une procédure se rapprochant toujours plus de celle des majeurs[46] et notamment, de la comparution immédiate[47]


Enfin, à cela s’ajoute pour le parquet la possibilité d’un troisième choix en matière d’orientation de la procédure : la saisine du TPE aux fins d’audience unique[48]. Dans une telle situation, la procédure de mise à l’épreuve éducative est contournée. Le mineur mis en cause sera jugé par le TPE dans un délai relativement rapide, en fonction de sa situation pénale[49]


Le CJPM confie donc au parquet la possibilité de recourir de façon courante à des procédures qui devaient rester exceptionnelles mais qui en pratique ne le sont pas. 


Par conséquent, le parquet dispose de « larges pouvoirs » pour décider de manière relativement libre de la convocation du mineur en chambre du conseil ou devant le TPE[50], selon la procédure de la mise à l’épreuve éducative ou en audience unique. 


Une justice pénale des mineurs enfermée dans des délais


L’accélération procédurale induite par le CJPM répond à la nécessité d’apporter une réponse pénale rapide, peu de temps après la commission des faits. Cependant, le travail éducatif s’inscrit, lui, dans une autre temporalité. Certains jeunes ont en effet besoin de temps, pour pouvoir mener un travail éducatif profond. Par ailleurs, cette accélération procédurale ne favorise pas le repérage de problématiques particulières chez l’enfant et peut mettre en difficulté le lien éducatif qui peut parfois être plus compliqué à construire[51]. La rapidité apportée par le CJPM peut donc être en contradiction avec le temps nécessaire à la construction de la relation éducative avec le jeune. 


Par ailleurs, beaucoup de professionnels soulignent la difficulté à absorber une telle réforme, alors même que les moyens humains ne sont pas mis en adéquation. Le CJPM a introduit une plus grande charge de travail pour l’ensemble des acteurs de la justice pénale des mineurs. Le nombre d’audiences augmentant du fait de l’introduction de la césure dans la procédure pénale, les éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, par exemple, sont plus régulièrement convoqués au tribunal afin de présenter leurs rapports lors des audiences. Et cela au détriment d’un temps passé avec les jeunes, à travailler avec eux. La réduction du temps de l’intervention éducative qui en découle, peut générer chez certains éducateurs un sentiment de « défi éducatif difficile à relever »[52]


Malgré les éléments positifs apportés par la réforme du CJPM, le bilan reste contrasté. Les principes fondamentaux renforcés par la réforme ne sont pas perçus par certains acteurs de la justice pénale des mineurs comme des garde-fous, permettant de garantir leur respect systématique dans les pratiques juridictionnelles. Les exceptions procédurales n’étant pas enfermées dans des critères stricts, une politique pénale mise en œuvre et conduite par le parquet peut conduire à renverser le principe et les exceptions[53].


Brune MERIGOT DE TREIGNY


*Ce schéma a été réalisé par le Ministère de la Justice. Il est librement accessible à l'adresse : https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/2023-04/20210918_Schema_CJPM_general.pdf

 

[1] Ce que rappellent Philippe BONFILS et Adeline GOUTTENOIRE dans leur ouvrage « Droit des mineurs », Dalloz, 3ème édition 2021, p. 1.

[2] Françoise DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « Les droits de l’enfant », PUF Coll. « Que sais-je », 9ème édition, 2010, p.4.

[3] Ce n’est qu’à partir de la Révolution française que l’on reconnaît l’enfant comme un sujet de droit. Les lois du 24 juillet 1889 puis du 19 avril 1898 mettent en place les fondations de la protection de l’enfance contemporaine. [4] Chronologie de la justice pénale des mineurs en France de 1791 à nos jours. URL: https://www.vie-publique.fr/eclairage/281310-chronologie-de-la-justice-penale-des-mineurs-en-france-depuis-1791. La loi du 22 juillet 1912 instaure entre autre la spécialisation des juridictions pour mineurs. De la même façon, le décret du 31 décembre 1927 tente d’améliorer les conditions de vie des enfants pris en charge. Dans les faits, rien ne change vraiment. Cf Jacques Prévert dénonçant la répression et « la chasse à l’enfant » qui suivirent la révolte des enfants de la colonie pénitentiaire de Belle-Ile-en-Mer en 1934. 

[5] Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, Légifrance. URL: https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006069158/2021-01-03/ 

[6] Extrait de l’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945.

[7] Voir les écrits de Marc Ancel, « La Défense sociale nouvelle », 1954. L’auteur s’attache tout particulièrement au principe de l’individualisation de la peine ainsi qu’à la prise en compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction. Ce principe est perçu par Marc Ancel comme étant une appréciation particulièrement fine du principe de proportionnalité et de l’exigence de pondération de la répression.

[8] Article 1: « Les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée de crime ou de délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun ».

[9] Voir les articles 8, 10, 11, 17, 18 de l’ordonnance du 2 février 1945, JORF du 4 février 1945 sur Légifrance. URL: https://www.legifrance.gouv.fr/download/securePrint?token=zLHvj!LqmdfEg0KPxnGL 

[10] Voir l’ordonnance n°58-1301 du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger. 

[11] Voir notamment l’article 375 du Code civil. Le juge des enfants dispose depuis ce texte d’une double compétence en matière de protection de l’enfance, au civil et au pénal.

[12] Voir la figure 1 (source ministère de l’Intérieur) dans « L’évolution actuelle de la délinquance des mineurs: ce que disent les chiffres », Véronique LE GOAZIOU, Laurent MUCCHIELLI, dans La violence des jeunes en question, « Questions de société », 2009, p. 37-64. URL: https://www.cairn.info/la-violence-des-jeunes-en-question--9782353710690-page-37.htm. Du milieu des années 1970 aux années 2000, le nombre de mineurs mis en cause par la police et la gendarmerie est passé d’environ 80 000 à environ 200 000. Mais le nombre de majeurs mis en cause ayant également augmenté, la part des mineurs dans l’ensemble est seulement passé de 14 à 17,7%. Ce qui laisse suggérer, selon les auteurs, que si délinquance des mineurs il y a, cela ne constitue pas un phénomène spécifique en soi.

[13] « Coups et blessures » est la qualification issue de l’ancien Code pénal. Depuis 1992, le Code pénal parle « d’atteintes volontaires à l’intégrité physique de la personne », prévue aux articles 222-7 et suivants. 

[14] Voir la figure 2, (source ministère de l’Intérieur)« L’évolution actuelle de la délinquance des mineurs: ce que disent les chiffres », précité

[15] « Que reste-t-il de la défense sociale nouvelle? », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2017/2 n°2, Editions Dalloz, Vincent SIZAIRE, magistrat et maitre de conférence associé à l’Université Paris Nanterre

[16] Philippe BONFILS, « Gabriel Attal et le « sursaut d’autorité »: faut-il traiter les mineurs délinquants comme des majeurs? », Le club des juristes, Philippe Bonfils. URL: https://www.leclubdesjuristes.com/societe/gabriel-attal-et-le-sursaut-dautorite-faut-il-traiter-les-mineurs-delinquants-comme-des-majeurs-5784/: l’ordonnance de 1945 a été réformée une quarantaine de fois avant d’être remplacée par le CJPM, entré en vigueur le 30 septembre 2021

[17] La loi n°2000-516 du 15 juin 2000 confie au JLD le pouvoir de placer les mineurs en détention provisoire; La loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 dite Perben I crée les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Les sanctions éducatives pour les mineurs de plus de 10 ans sont introduites. Ce texte marque un durcissement de la réponse pénale à la délinquance des mineurs

[18] Mission interministérielle conduite par Christine LAZERGES et Jean-Pierre BALDUYCK sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs:« Réponses à la délinquance des mineurs: rapport au Premier ministre », 1er décembre 1997 - 31 mars 1998. URL: https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/index_view_direct.jsp?record=bmr:UNIMARC:4819874. Le rapport a ainsi conclu: « On ne peut demander à la loi ce qu’elle ne peut pas produire si les moyens de son application ne sont pas donnés »

[19] Audrey L’ÉPÉÉ-BOULANGER, « Réformer la justice des mineurs par ordonnances? Les pré-requis pour une réforme de l’ordonnance de 1945 », Dalloz actualité, 20 décembre 2008. URL: https://www.dalloz-actualite.fr/node/reformer-justice-des-mineurs-par-ordonnances-prerequis-pour-une-reforme-de-l-ordonnance-de-1945. Voir notamment la Commission Varinard en 2008, qui a établi un projet de code de justice pénale des mineurs, finalement abandonné

[20] Laurent GEBLER, « La (dernière?) réforme de l’ordonnance de 1945 », Journal du droit des jeunes, 2008/5 (n°275), p. 16-23. DOI: 10.3917/jdj.275.0016. URL: https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-des-jeunes-2008-5-page-16.htm

[21] Voir la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 ratifiée par la France, ou encore les Principes directeurs des Nations unies pour la prévention de la délinquance juvénile du 14 décembre 1990.

[22] Cons constit, 29 août 2002, n°2002-461 DC: Le CC a dégagé dans cette décision un Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République (PFRLR) en affirmant que « l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle »

[23] Rapport d’évaluation sur la mise en oeuvre du Code de la justice pénale des mineurs, octobre 2023. URL: https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/2023-10/rapport_CJPM_octobre_2023.pdf

[24] Sous la direction de Sylvain JACOPAIN, « Le Code de la justice pénale du mineurs: quel bilan? » chez Lefebvre Dalloz 2023, collection Thèmes et commentaires / Études. Des magistrat (JE comme parquet), avocat, éducateur de la PJJ expriment leur avis sur les conséquences de l’entrée en vigueur du CJPM dans leur pratique professionnelle. Ou encore le bilan fait par l’Association Nationale des Assesseurs des Tribunaux Pour Enfants URL: https://anatpe.fr/bilan-des-assesseurs-sur-le-cjpm-apres-deux-ans/.

[25] Voir le rapport précité

[26] Voir les articles L. 11-1 et suivants du CJPM

[27] Voir la décision du CC précitée, du 29 août 2002

[28] Voir l’article précité d’Audrey L’ÉPÉE-BOULANGER « Réformer la justice des mineurs par ordonnances? Les prérequis pour une réforme de l’ordonnance de 1945 » , qui précise que certains projets visant à réformer la justice des mineurs n’hésitaient pas à « affirmer la primauté de la sanction sur toute autre réponse », se posant de cette façon en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 août 2002, d’établir comme PFRLR l’autonomie du droit pénal des mineurs

[29] Philippe BONFILS, « L’autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », AJ Pénal 2012, p. 312

[30] Voir les propos d’Astrid HIRSCHELMANN, professeur des Universités en psychologie pathologique et clinique à l’Université de Caen-Normandie, p. 61 « Le Code de la justice pénale du mineur: quel bilan? » précité

[31] Article prévoyant que le JE ou le TPE statue de principe selon la procédure de mise à l’épreuve éducative, procédure comportant une audience d’examen de la culpabilité, une période de mise à l’épreuve éducative et enfin une audience de prononcé de la sanction. 3 situations détaillées par le CJPM permettent de déroger à cette procédure de principe

[32] La période de mise à l’épreuve éducative se déroule entre l’audience d’examen de la culpabilité et l’audience du prononcé de la sanction. Elle a pour objectif de réunir des éléments sur la personnalité du mineur. Après évaluation de sa situation ainsi que de ses besoins, un accompagnement éducatif peut être mis en oeuvre, lui permettant de s’interroger sur sa responsabilité

[33] L’article L. 323-1 du CJPM prévoit que la mesure éducative judiciaire provisoire (MJEP) peut être prononcée à tous les stades de la procédure avant le prononcé de la sanction. Le juge des enfants peut donc, lors de l’audience de culpabilité, prononcer une telle mesure. Cette mesure a pour objectif d’accompagner le jeune le temps de la période de mise à l’épreuve éducative, après évaluation de sa situation et de ses besoins. L’article L. 323-1 du CJPM renvoie ensuite aux articles L.112-2 et suivants concernant le contenu de la MEJP, qui est donc modulable. La MEJP peut être prononcée seule, avec sans modules (insertion, réparation, santé, placement)

[34] Selon le rapport précité: en 2019, le délai moyen entre la mise en mouvement de l’action publique et le jugement mettant fin à la procédure était de 15 mois et de 17,7 mois en 2020. En 2022, ce délai moyen a chuté à 10,8 mois, toutes procédures confondues. Le délai de 1er jugement (audience de culpabilité) était quant à lui passé à 8 mois

[35] Voir le rapport d’évaluation sur la mise en oeuvre du CJPM précité

[36] Voir l’article L. 123-1 du CJPM qui dispose que la peine d’emprisonnement avec ou sans sursis ne peut être prononcée par le TPE et la cour d’assises des mineurs qu’à la condition que cette peine soit spécialement motivée

[37] Voir le document édité par la DPJJ lors du colloque « Entre rupture et continuité, les enjeux du CJPM » du 16 juin 2021. Les juridictions sont invitées à prononcer une peine davantage individualisée,  en adaptant au plus près la sanction à la nature de l’infraction, à sa gravité et à son auteur. De même, l’incarcération pour de très courtes peines doit être évitée (favoriser en ce cas le recours à des mesures de milieu ouvert). C’est pourquoi notamment la peine d’emprisonnement ferme inférieure à un mois est impossible. URL: https://www.avocatparis.org/sites/bdp/files/2021-06/peines_CJPM_16062021.pdf

Enfin, les articles L. 334-4 du CJPM (pour les mineurs de moins de 16 ans) et L. 334-5 du même Code (pour les mineurs de plus de 16 ans) ont rendu les conditions de révocation du contrôle judiciaire plus rigoureuses que sous l’ordonnance de 1945, et ce afin d’éviter au maximum le placement en détention provisoire des jeunes

[38] Voir l’article publié par l’Observatoire International des Prisons section française: URL: https://oip.org/decrypter/thematiques/mineurs-detenus/

[39] Voir le rapport de recherche rédigé par Alice SIMON édité par la DPJJ, « Les effets de l’enfermement sur les mineurs détenus », septembre 2023. URL: https://www.justice.gouv.fr/documentation/ressources/effets-lenfermement-mineurs-detenus. Il s’agissait d’étudier quels étaient les risques psycho-sociaux encourus lors d’une incarcération chez les mineurs, de déterminer en quoi consiste l’emprisonnement pour les mineurs ainsi que d’établir ce que cet enfermement produit sur eux: sur leurs relations sociales, leur corps, leurs émotions (en prenant en compte les caractéristiques sociales, les trajectoires biographiques et judiciaires ainsi que les établissements où ils sont incarcérés)

[40] Selon les statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée:  au 1er avril 2024, on comptait 831 écroués détenus mineurs dans la France entière contre moins de 700 écroués un an auparavant. URL: Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée pour 2024: https://www.justice.gouv.fr/documentation/etudes-et-statistiques/statistiques-mensuelles-population-detenue-ecrouee-0

[41] Voir le commentaire de  Philippe BONFILS sous l’article préliminaire du CJPM: « l’article préliminaire est fondamental car non seulement il reprend des principes constitutionnels et internationaux d’une valeur normative supérieure à la sienne, mais en plus, il exprime la ratio legis du Code, soit sa philosophie »

[42] Voir le schéma joint, édité par le Ministère de la Justice

[43] Disposition prévue par l’article L. 423-4 alinéa 1er du CJPM: le parquet dispose d’éléments « d’appréciation » pour déterminer l’orientation de la procédure, en prenant en compte différents éléments tels que l’âge du mineur au moment des faits, la gravité ou la complexité des faits, les éléments de personnalité du jeune, l’existence d’un antécédent éducatif. 

Si la juridiction de principe est la chambre du conseil (composée du JE et de la présence facultative du Ministère public), le TPE reste en théorie la juridiction d’exception. 

Ainsi, plus le mineur sera âgé, plus les faits seront graves ou complexes et plus la peine encourue sera importante (peine égale ou supérieure à 3 ans d’emprisonnement), plus le mineur risque d’être poursuivi non plus devant la chambre du conseil mais devant le TPE.

[44] Procédure détaillée dans les articles L. 521-1, L. 521-7 et L. 521-25 du CJPM: le JE ou le TPE statue par principe selon la procédure de mise à l’épreuve éducative, procédure comportant une audience d’examen de la culpabilité, une période de mise à l’épreuve éducative et une audience de prononcé de la sanction. 

Ainsi, si les options d’orientation du parquet demeurent inchangées, la procédure se trouve néanmoins modifiée en profondeur par l’introduction de la procédure de principe de mise à l’épreuve éducative.

[45] Voir l’article L. 423-4 du CJPM expliqué ci-dessus, qui exige, pour que le parquet puisse saisir le TPE, que le mineur: doive être âgé de 13 ans, encoure une peine supérieure ou égale à 3 ans d’emprisonnement et que sa personnalité ou la gravité ou la complexité des faits le justifie. En pratique, ces conditions sont souvent réunies

[46] Voir l’article d’Hortense PAIN, « La pratique du parquet des mineurs depuis le Code de la justice pénale des mineurs », dans l’ouvrage « Le Code de la justice pénale du mineur: quel bilan? », précité. Hortense PAIN est substitut du Procureur, pôle Mineurs-Famille au TJ de Toulon

[47] Voir l’article 395 du CPP établissant la procédure de comparution immédiate: procédure rapide, prévue en matière délictuelle, pour des majeurs déjà connus de la justice

[48] Voir l’article L. 423-4 du CJPM, qui dispose que le procureur de la République peut saisir directement le TPE aux fins d’audience unique après le défèrement, selon des conditions cumulatives précises certes, mais facilement applicables. Dans la continuité du défèrement, le procureur de la République peut requérir auprès du JLD un placement en détention provisoire sans même que le JE ne puisse intervenir.

 Lors d’une audience unique, le TPE statuera aussi bien sur la culpabilité que la sanction lors d’une seule et même audience. 

L’article L. 432-9 du CJPM permet seulement au JE de communiquer au JLD tout élément utile sur la personnalité du mineur. Le JE ne peut pas rendre un avis sur la réquisition du procureur de la République concernant le placement en détention provisoire. 

Ce qui est d’autant plus préoccupant que, d’après le rapport précité remis au Parlement, il semblerait que les JLD ne soient pas tous spécialisés selon les exigences posées par les articles L. 12-1, 2°, 3°, 3° bis et L. 12-2 du CJPM (notamment dans les petites juridictions)

[49] CJPM, commentaire introductif de Philippe BONFILS « La philosophie générale du Code de la justice pénale des mineurs »: délai qui peut aller de 10 jours à 3 mois si le parquet prend des réquisitions aux fins de mesure éducative provisoire ou CJ / ARSE, voire de 10 jours à un mois lorsqu’une détention provisoire est requise auprès du JLD.

[50] Voir l’article de Chloé SALLÉE, « La pratique du juge des enfants », dans l’ouvrage précité « Le Code de la justice pénale du mineur: quel bilan? ». Chloé SALLÉE est vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants, magistrat coordonnateur, TJ de Nice

[51] Voir l’article d’Olivier LUNION, « La pratique de la Protection judiciaire de la jeunesse depuis le CJPM » dans l’ouvrage précité « Le Code de la justice pénale du mineur: quel bilan? »

[52] Voir l’article d’Olivier LUNION précité

[53]  Voir l’article précité rédigé par Chloé SALLÉE, « La pratique du juge des enfants »

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