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« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »

Dernière mise à jour : 26 nov. 2023

Montesquieu


Cet éclairage a été publié pour la première fois par Pierre-François LASLIER, en mars 2019, dans La Revue n°4.


L’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. ». Puis, l’article 8 du même texte poursuit en affirmant que « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Dès lors, à la lumière de ces deux dispositions, se dégage un principe clé du droit pénal : le principe de nécessité des incriminations et des peines.


Comment comprendre ce principe de nécessité, si cher à notre droit pénal ? L’essence même du principe de nécessité tient au fait que le droit pénal doit avant tout être employé aux fins de protéger les valeurs sociales les plus fondamentales dans une société. À ce titre, « la liberté ne doit être limitée que pour maintenir l’ordre nécessaire à son exercice ». En effet, nous devons nécessairement délaisser une part de notre liberté individuelle à la société afin que celle-ci puisse pleinement nous la garantir, et cela passe par la répression des comportements les plus graves.


À la lumière de cette première observation, le principe de nécessité implique une autre conséquence : la modération de la loi pénale. En effet, si la norme pénale ne doit intervenir que pour réprimer les comportements les plus attentatoires à la société et aux membres qui y vivent, alors il s’ensuit, par là-même, que la répression n’est légitime qu’à condition qu’elle soit modérée. Le législateur doit faire preuve d’une profonde sagesse dans la création des normes, et ce en raison du principe de nécessité. En vertu de cette prudence et modération, le principe de nécessité prohibe la prolifération légale inutile. Légiférer à n’en plus finir ne ferait qu’accroître le champ de la répression, et donc, limiter l’espace de nos libertés individuelles. En outre, l’acte de légiférer implique pour son auteur une sagesse et une prise de recul nécessaires, sans lesquelles les lois seraient mal conçues et donc inaptes à défendre pleinement les intérêts de chacun. En ce sens, la philosophie des Lumières établissait un lien très fort entre le principe de nécessité et la modération législative, et notamment Montesquieu lorsqu’il affirmait que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».


À l’heure actuelle, pourtant, la formule de Montesquieu ne semble pas avoir véritablement porté ses fruits auprès de nos législateurs contemporains. En effet, nous assistons actuellement à un phénomène récurrent, l’inflation législative. Phénomène en vertu duquel notre législateur se croit obligé d’intervenir à chaque fait divers ou scandale politico-financier, sans pour autant apporter quelque chose de neuf ou d’utile à notre droit au regard des dispositions préexistantes.



Pierre-François LASLIER


 

[1] Olivier Décima, Stéphane Détraz et Édouard Verny, Droit pénal général, LGDJ, 3ème édition, 2018

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