Lorsqu’un mineur a commis une infraction pénale et qu’il est considéré comme ayant la capacité de discernement, il est pénalement responsable[1]. Lorsqu’une décision actant la culpabilité du mineur est rendue par une juridiction de jugement[2], se posera alors la question des sanctions pouvant être prononcées à l’encontre du mineur.
En cas pratique, il convient de distinguer deux questions : l’aptitude du mineur à la responsabilité pénale (question du discernement, traitée dans un précédent focus) et l’aptitude à la sanction pénale (ici traitée). En cas pratique, seule la question de la peine se pose traditionnellement (conf. supra. II) bien qu’il existe d’autres sanctions.
En matière contraventionnelle ou correctionnelle, une dispense de mesure éducative peut être accordée par le juge des enfants (JE) ou par le Tribunal pour enfants (TPE) lorsque trois conditions cumulatives sont remplies (art. L.111-6 al. 1) : le reclassement du mineur apparaît acquis, le dommage est réparé et le trouble résultant de l’infraction a cessé.
Plus encore, le JE et le TPE peuvent prononcer une déclaration de réussite éducative lorsque le mineur a pleinement respecté les obligations qui lui étaient imposées dans le cadre d'une mise à l'épreuve éducative (art. L.111-6 al. 2). Cette décision peut être prise à l’égard d’un mineur déclaré coupable, quel que soit son âge et même s’il a atteint sa majorité au jour de son prononcé.
La juridiction de jugement décidant de prononcer une sanction, s’appuie sur le rapport établi par les services de la PJJ c’est-à-dire sur des éléments d’informations relatifs à la situation du jeune et des propositions dont le juge pourra tenir compte au moment du prononcé de la sanction judiciaire.
Deux types de sanctions peuvent être prononcées à l’encontre du mineur ayant été déclaré coupable d’une infraction pénale (art. L.11-3) : les mesures éducatives (I) et, si les circonstances et la personnalité du mineur l’exigent, les peines (II), en sachant que pour les contraventions de la 5ème classe, les délits et les crimes, leur prononcé peut être cumulatif (art. L.111-3).
I. Les mesures éducatives
Conformément à l’article L.111-1 du CJPM, les mesures éducatives encourues à titre de sanction sont l'avertissement judiciaire (A) et la mesure éducative judiciaire (B). Les mesures éducatives peuvent être prononcées par le JE, le TPE et la cour d’assises des mineurs.
A. L’avertissement judiciaire
La décision d’avertissement judiciaire regroupe l'admonestation, la remise à parents et l'avertissement solennel.
Cette mesure éducative peut être prononcée plusieurs fois à la condition que le nouvel avertissement ne relève pas de faits identiques ou assimilés commis moins d’un an avant les nouveaux faits.
Un avertissement judiciaire ne peut être prononcé cumulativement à une mesure éducative judiciaire que si celle-ci est prononcée seule, sans module ni obligation ni interdiction, à l’exception du module réparation (conf infra. B - art. L.111-2 CJPM)
B. La mesure éducative judiciaire (MEJ)
Conformément à l’article L.112-1 CJPM : « La mesure éducative judiciaire vise la protection du mineur, son assistance, son éducation, son insertion et son accès aux soins. »
Les MEJ sont prononcées pour une durée de 5 ans maximum (art. L.112-4 al. 1), et ne peuvent se poursuivre après que le mineur condamné a atteint l’âge de 21 ans (al. 2).
Elles peuvent toutefois être prononcées à l’encontre d’un mienur devenu majeur (art. L.112-4 al. 2) ; il faudrait alors l’accord du condamné s’agissant de certaines mesures des modules.
Il existe trois “types” de mesures éducatives judiciaires qui peuvent être prononcés alternativement ou cumulativement (art. L.112-2 CJPM) :
Les modules :
Le module d’insertion (art. L.112-5 à L.112-7 CJPM) : il peut consister, notamment, en un accueil de jour, un placement dans un internat scolaire ou un établissement d’enseignement ou de formation professionnelle habilité.
Le module de réparation (art. L.112-8 à L.112-10 CJPM) : il peut consister en une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité ou en une médiation entre la mineur et la victime.
Le module de santé (art. L.112-11 à L.112-13 CJPM) : il peut consister en une prise en charge sanitaire, un placement dans un établissement médico-social ou de santé (à l’exclusion des services de psychiatrie).
Le module de placement (art. L.112-14 à L.112-15 CJPM) : le mineur peut être confié à un membre de sa famille ou une personne de confiance, à un établissement de la PJJ (à l’exclusion des centres éducatifs fermés) ou un établissement éducatif privé habilité.
Conformément à l’article D.112-3 CJPM, “l'accompagnement individualisé du mineur consiste à soutenir son insertion sociale, scolaire et professionnelle, à prendre en compte ses besoins en matière de santé, à s'assurer de sa compréhension des décisions judiciaires qui le concernent et à engager un travail sur la responsabilisation et sur la prise en compte de la victime.”
Les modules, quant à eux, répondent à des besoins identifiés en termes d’insertion, de réparation, de santé et de placement (art. D.112-4).
Les interdictions (art. L.112-2 CJPM) : à l’encontre d’un mineur d’autant moins 10 ans (art. L.112-3 dern. al.)
L’interdiction de paraître, pour une durée d’un an maximum (à l'exception du lieu où le mineur réside habituellement) ;
L’interdiction d'entrer en contact avec la victime, les coauteurs ou les complices, pour une durée d'un an maximum ;
L’interdiction d'aller et venir sur la voie publique entre 22 heures et 6 heures sans être accompagné de l'un de ses représentants légaux, pour une durée de six mois maximum ;
L’interdiction, pour une durée de six mois maximum, d'utiliser les comptes d'accès à des services de plateforme en ligne ayant été utilisés pour commettre certaines infractions (ex : harcèlement, atteinte à la vie privée, diffamation, proxénétisme, provocation au terrorisme, participation délictueuse à un attroupement, entrave à l’IVG…). La victime est informée de cette mesure. Si elle est partie civile, son avocat est également avisé.
Cette interdiction a été ajoutée par la loi n°2024-449 du 21 mai 2024 (art. L.112-2, 7° bis du CJPM).
Les obligations (art. L.112-2 CJPM) : à l’encontre d’un mineur d’au moins 10 ans (art. L.112-3 dern. al.)
L'obligation de remettre un objet détenu ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l'infraction ou qui en est le produit.
L'obligation de suivre un stage de formation civique, d'une durée d’un mois maximum.
Les MEJ peuvent être prononcées cumulativement avec une peine (art. L.111-3 CJPM).
II. Les peines
Les peines ne peuvent être prononcées que contre les mineurs pénalement responsables et qui sont âgés d’au moins 13 ans (art. L.11-4 CJPM). Cette disposition existait déjà dans l’ordonnance du 2 février 1945.
Pour rappel, doit être pris en compte l’âge de l’auteur au moment de la commission des faits et non pas son âge au moment de l’ouverture de la procédure pénale ni au moment de l’audience de jugement.
Si un mineur de 12 ans commet une infraction et qu’il est déclaré responsable pénalement au cours d’une audience alors qu’il est âgé de 14 ans (dans le cas où la présomption de non-discernement aurait été renversée), il ne peut se voir appliquer une peine.
Certaines peines ne sont pas applicables aux mineurs (art. L.121-1 CJPM). Tel est le cas de la peine d'interdiction du territoire français, des jours-amende, des peines d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale, d'interdiction de séjour, de fermeture d'établissement, d'exclusion des marchés publics ainsi que des peines d'affichage ou de diffusion de la condamnation.
Le tribunal de police (art. L.121-3 CJPM) peut prononcer :
une dispense de peine (art. 132-59 C.pén.),
une peine d’amende (cf. infra)
une des peines complémentaires de l’article 131-16 du Code pénal (ex : confiscation d’un animal, stage…).
Le juge des enfants (art. L.121-4 CJPM) peut, sur réquisitions du procureur de la République et si les circonstances et la personnalité du mineur le justifie prononcer :
La confiscation de l’objet ayant servi à commettre l’infraction ;
Une peine de stage : le contenu du stage est adapté à l’âge du mineur (art. L.122-5 al.1). La juridiction ne peut ordonner que ce stage soit effectué aux frais du condamné (al.1) ;
Une peine de travail d’intérêt général (TIG) : à condition que le mineur soit âgé d’au moins 16 ans au moment du prononcé de la peine. Cette condition s’ajoute à celle plus générale exigeant que le mineur soit âgé d’au moins 13 ans au moment de la commission des faits (art. L.122-1 al. 1). Bien sûr, la peine de TIG ne peut être prononcée que si le prévenu y consent. Enfin, les TIG doivent être adaptés au mineur et présenter un caractère formateur ou être de nature à favoriser l'insertion sociale du jeune condamné (al. 3).
Lorsque la peine est prononcée par le juge des enfants, les dispositions applicables aux majeurs exigeant notamment de fixer la durée maximum de l’emprisonnement ou le montant maximum de l’amende encourus en cas d’inexécution ne sont pas applicables (art. L.122-4 pour la confiscation ; art. L.122-5 al. 2 pour le stage ; art. L.122-1 al. 2 pour le TIG).
Lorsque le JE statue en audience unique, il ne peut prononcer une peine que si le mineur a des antécédents éducatifs (il a fait l'objet d'une mesure éducative, d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'une mesure de sûreté, d'une déclaration de culpabilité ou d'une peine prononcée dans le cadre d'une autre procédure) et qu’il a fait l’objet d’un rapport datant de moins d'un an versé au dossier de la procédure (art. L.521-2 al. 2).
Le tribunal pour enfants et la cour d’assises de mineurs peuvent, en plus des peines précédemment énoncées, prononcer :
Un suivi socio-judiciaire (art. L.122-3) ;
Une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (art. L.122-6) : dans la limite temporelle de la moitié de la peine d’emprisonnement encourue (al. 1). Les représentants légaux du mineur chez lesquels il réside doivent, en principe, donner leur consentement (al. 2). Cette peine est obligatoirement assortie d’une mesure éducative confiée à la PJJ (al. 3).
Une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis : à la condition que cette peine soit spécialement motivée (art. L.123-1).
Néanmoins, le quantum de la peine encourue par le mineur de 13 à 18 ans n’est pas le même que celui de la peine encourue par le majeur. On parle alors de l’excuse de minorité, principe selon lequel les peines encourues par les mineurs doivent être inférieures à celles encourues par les majeurs.
Le quantum de la peine privative de liberté ne peut être supérieur à la moitié de la peine encourue par un majeur (art. L.121-5 al.1 CJPM). Si la réclusion criminelle à perpétuité est encourue, la peine prononcée ne peut être supérieure à 20 ans de réclusion (al. 2). Enfin, les dispositions relatives à la période de sûreté ne sont pas applicables aux mineurs (al. 3).
Une peine d’amende : son quantum ne peut être supérieur à la moitié de la peine encourue ni à 7.500 euros (art. L.121-6 CJPM).
Exemples relatifs au principe d’atténuation des peines privatives de liberté et des peines d’amende : lorsque l’infraction de vol simple est commise par un mineur, il encourt 18 mois d’emprisonnement (la moitié de 3 ans) et 7.500 euros d’amende (plafond légal). Lorsque l’infraction d’outrage sexiste aggravé est commise par un mineur, il encourt 1.875 euros d’amende (la moitié de 3.750 euros). Lorsque l’infraction de viol précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie est commise par un mineur, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.
Par exception, il peut être dérogé aux règles d’atténuation des peines mentionnées ci-avant lorsque le mineur est âgé de plus de 16 ans et que les circonstances de l’espèce, de la personnalité et de la situation du mineur le justifient (art. L.121-7 al.1 CJPM). Néanmoins, cette décision doit être spécialement motivée. En pareil cas, lorsque le mineur encourt la réclusion criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant être prononcée est de 30 ans de réclusion criminelle (art. L.121-7 al. 2).
Raisonnement en cas pratique : Si le mineur est jugé capable de discernement, quelle peine encourt-il ? Majeure : Art. 122-8 C.pén : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le code de la justice pénale des mineurs. » Art. L.11-3 CJPM : « Les mineurs déclarés coupables d'une infraction pénale peuvent faire l'objet de mesures éducatives et, si les circonstances et leur personnalité l'exigent, de peines. » Si des peines sont jugées nécessaires, il faut appliquer, selon l’espèce :
🖋 En vertu de l’article 122-8 C.pén, le mineur pénalement responsable de l’infraction qu’il a commis bénéficie une atténuation de responsabilité en raison de son âge. Selon l’article L.11-3 du CJPM, les mineurs coupables d’une infraction peuvent faire l’objet de mesures éducatives voire de peines, si les circonstances de la cause et la personnalité du mineur le justifient. |
A titre conclusif, il convient d’envisager brièvement la question de l’exécution des peines. Tout d’abord, le JE contrôle le déroulement des mesures éducatives judiciaires (art. L.611-1). Cela signifie qu’il “peut, à tout moment, modifier les modalités et le contenu de la mesure ou en ordonner la mainlevée”.
De plus, le JE exerce, à l’égard des mineurs condamnés, les fonctions dévolues au JAP jusqu’à ce que le condamné ait atteint l’âge de 21 ans (art. L.611-2 al.1).
Lorsque le condamné a atteint l’âge de 18 ans, le JE peut se dessaisir au profit du JAP en raison de la personnalité du mineur ou de la durée de la peine prononcée (art. L.611-5).
Si au jour de la condamnation, le condamné est devenu majeur, le JAP est compétent pour le suivi de la condamnation. Néanmoins, la juridiction de jugement peut décider par décision spéciale que le JE reste compétent (art. L.611-6)
Le TPE, quant à lui, exerce, à l’égard des mineurs condamnés, les attributions dévolues au TAP (art. L.611-3).
Juliette SUSSOT
[1] A ce sujet, voir le focus La responsabilité pénale des mineurs
[2] A ce sujet, voir le focus La procédure de jugement des mineurs
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